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En temps de Covid, les musulmans de France peinent à enterrer leurs morts

Un carré musulman dans un cimetière du Val de Marne. [AFP - Pascal Deloche]
A cause de la pandémie de Coronavirus, les musulmans de France peinent à enterrer leurs morts / La Matinale / 1 min. / le 18 mai 2020
Face à l'impossibilité d'envoyer les défunts à l'étranger et au manque d'emplacements spécifiques dans les cimetières, les musulmans de France peinent à enterrer leurs défunts. Une difficulté moins importante pour la communauté de Suisse romande.

A la peine de perdre un être cher s'ajoute aujourd'hui, pour certaines familles, l'angoisse de leur trouver une dernière demeure.

Habituellement, 80% des défunts musulmans de France sont rapatriés dans un pays tiers pour pouvoir observer les rites funéraires. Une pratique devenue impossible depuis la fermeture des frontières pour lutter contre la Covid-19.

Pour respecter les dernières volontés de leurs proches, certains optent pour du provisoire, comme le stockage réfrigéré dans l'attente que les restrictions de voyage soient levées.

"Des hangars ont été aménagés pour conserver les corps, raconte Mohammed Bououden, directeur des Pompes funèbres musulmanes de France. D'autres prévoient d’exhumer leurs défunts pour les rapatrier dans leur pays d’origine lorsque les frontières rouvriront, parce que c’était leur souhait."

Pas assez de carrés musulmans

Ceux qui ont choisi d'inhumer leurs proches en France sont toutefois confrontés au manque d'emplacements spécifiques. Sur 35'000 cimetières municipaux, à peine 600 carrés musulmans sont disponibles et ils sont déjà passablement saturés.

"Après des discussions avec les autorités, de nouveaux carrés ont été créés et d’autres étendus, ce qui a finalement permis l’inhumation de tous les défunts pendant cette crise," explique Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman.

"Mais le problème structurel reste le même, avertit-il. Dans les semaines et mois à venir, nous aurons besoin de créer de nouveaux espaces pour répondre aux futures demandes."

Mettre fin à la détresse des familles

"La perte d’un être cher, dont on ne peut honorer les dernières volontés, en plus de l’attente de trouver une place d’inhumation, être partagé entre le choix d’inhumer ou de conserver le corps... Ces situations sont source de souffrance, d’inquiétude et d’angoisse pour les familles," regrette Mohammed Moussaoui.

Pour faire face à cette détresse, une assistance téléphonique de soutien a été ouverte. Mais le Conseil français du culte musulman pense également à l'avenir.

"Nous avons lancé un groupe de travail avec tous les maires de France pour trouver des solutions pérennes afin que ces difficultés disparaissent."

En Suisse romande, pas de saturation

Contactées, des associations de musulmans de Suisse romande affirment ne pas avoir rencontré les mêmes difficultés qu'en France. La communauté étant bien moins nombreuse que dans l'Hexagone, le nombre de défunts n'a pas surpassé les capacités des carrés musulmans existants.

Malgré l'absence d'un emplacement dans le cimetière de la ville de Fribourg, Mohamed Ali Batbout, président de l'Union des associations musulmanes du canton, se dit "satisfait des discussions constructives entamées avec les autorités. Il y a tout de suite eu une cellule de crise pour anticiper les problèmes et nous travaillons sur des projets à court, moyen et long terme."

>> Lire aussi : Premier carré musulman dans un cimetière en terres fribourgeoises

Mouna Hussain / Xavier Alonso

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Des rites mortuaires modifiés pendant la pandémie

Face à la pandémie de coronavirus, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a émis des recommandations pour respecter les mesures de sécurité. Il a d'abord préconisé que les défunts soient inhumés en France, à l'endroit de leur décès, comme le veut la tradition musulmane.

Des rites religieux ont également été supprimés, comme celui de la toilette mortuaire, qui peut s'avérer dangereuse si le défunt était porteur du virus.

"Nous avons émis un avis religieux demandant aux musulmans de France de suspendre ce rite, afin de préserver la santé des vivants," explique Mohammed Moussoui, président du CFCM. "De plus, les personnes qui décèdent lors d'une pandémie sont considérés comme des martyrs, à qui cette toilette n'est pas nécessaire, car on pense qu'ils seront lavés dans l'au-delà."

Les familles des défunts se sont montrées compréhensives face à ces mesures, note le président du CFCM.