Sam Peckinpah, cinéaste maudit

Grand Format

KOBAL / THE PICTURE DESK

Introduction

L'histoire d'un réalisateur majeur du cinéma moderne

Sam le rebelle

Né en 1925, et décédé en 1984, Sam Peckinpah est l'un des réalisateurs les plus controversés et provocateurs du cinéma américain. Auteur du légendaire "La Horde sauvage" (1969), il se consacre majoritairement au western.

Un genre de prédilection qui ne l'empêche pas d'exceller dans le film noir ("Guet-apens", "Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia"), le film de guerre ("Croix de fer") ou le thriller rural ("Les chiens de paille"). 

Sam Peckinpah [SCREEN PROD / PHOTONONSTOP]
Sam Peckinpah [SCREEN PROD / PHOTONONSTOP]

Ses expériences calamiteuses sur "Pat Garrett et Billy le Kid" et "Major Dundee", deux films massacrés au montage par ses producteurs, forgent les relations orageuses que le cinéaste entretiendra avec Hollywood. Son tempérament exécrable, encouragé par un alcoolisme chronique et une consommation immodérée de drogues, n'arrangera rien à l'affaire.

L'homme en colère

Warren Oates et Ben Johnson dans "La Horde sauvage". [CREEN PROD/PHOTONONSTOP]
Warren Oates et Ben Johnson dans "La Horde sauvage". [CREEN PROD/PHOTONONSTOP]

Réputé pour ses séquences de violence élégiaque, exacerbées par un usage très moderne du ralenti, le cinéma de Sam Peckinpah est celui d'un homme en colère. En colère contre la barbarie humaine, contre les marchands hollywoodiens, et contre lui-même.

A contre-courant

Son œuvre égratigne les mythes américains, repousse les frontières de la censure, et impose la vision lyrique et désenchantée d'un réalisateur qui influencera profondément Quentin Tarantino, Martin Scorsese ou John Woo.

Ali Macgraw et Steve McQueen dans Guet-apens (1972) [Solar/First Artists/National General / The Kobal Collectio]
Ali Macgraw et Steve McQueen dans Guet-apens (1972) [Solar/First Artists/National General / The Kobal Collectio]

Maître du nouveau western

Débutant à la télévision dans les années 1950, Sam Peckinpah écrit puis réalise de nombreuses séries pour le petit écran, appartenant souvent au western. C’est donc en toute logique qu'il entame sa carrière au cinéma dans ce genre. Sur les quatorze longs métrages que compte sa filmographie, il signera sept westerns: "New Mexico" (1961), "Coups de feu dans la Sierra" (1962), "Major Dundee" (1965), "La Horde sauvage" (1969), "Un nommé Cable Hogue" (1970), "Junior Bonner" (1972) et "Pat Garrett et Billy le Kid" (1973).

>> Auteur d’un livre de référence sur le sujet, :

Sam Peckinpah, maître du nouveau western. [DR]
RTSculture - Publié le 6 août 2015

Le western, un genre qui lui permet de démonter les mythes de l'Ouest américain jusque-là représentés par le cinéma hollywoodien. Détestant le progrès autant que la modernité, Sam Peckinpah se reconnaît volontiers dans ses cow-boys anachroniques, laissés en marge d'une société qui rejette toute notion d'honneur et de fraternité. Ses deux films les plus célèbres, "La horde sauvage" et "Pat Garrett et Billy le Kid", reprennent ces antihéros tragiques dont les morts spectaculaires achèvent le western classique.

Hollywood, mon meilleur ennemi

Œuvrant dès ses débuts au sein du système hollywoodien, Sam Peckinpah entretient toute sa vie des relations orageuses avec ses producteurs. Tyrannique sur ses plateaux de tournage, où il fait régner une atmosphère de chaos permanent, le réalisateur abuse de l'alcool et des drogues qui le rendent encore plus violent et irascible. Par deux fois, ses films lui seront retirés pour être massacrés au montage.

Sorti en 1965, "Major Dundee" raconte, durant la guerre de Sécession, la chasse effrénée d'un groupe d'Apaches par un commandant nordiste joué par Charlton Heston. Le premier montage de Peckinpah fait quatre heures. Il est raccourci à deux. Les producteurs obligent le réalisateur à tourner une fin plus conventionnelle que celle qu'il avait imaginée. Le soutien de Charlton Heston ne suffira pas à imposer le "Major Dundee" voulu par son cinéaste.

Le choc de l'échec

A sa sortie, le film connaît un échec brutal et entaille sérieusement la réputation de Sam Peckinpah, qui vit la même déconvenue avec "Pat Garrett et Billy le Kid" en 1973. Sous les ciseaux des producteurs de la MGM, qui altèrent en profondeur le montage d'origine, le film est réduit de 122  à 103 minutes et s'achève sur un happy end.
Il faudra attendre 1988 pour qu'une version intégrale de ce western, mis en musique par Bob Dylan, soit reconstituée.

Des films anti-establishment

Mais aussi épineux qu'aient été les liens entre Sam Peckinpah et Hollywood, le réalisateur n'est jamais sorti du système des grands studios pour tourner en indépendant. Ses films nécessitaient les moyens financiers conséquents que seuls les producteurs hollywoodiens pouvaient lui garantir. Et Hollywood tolérait malgré tout le cinéma frondeur et contestataire de Peckinpah parce que, dans les années 1970, il attirait un public friand d'oeuvres anti-establishment.

If they move, kill 'em!

William Holden dans "La Horde sauvage"

Le choc de "La Horde sauvage"

En 1969, Sam Peckinpah n'a rien tourné depuis son expérience calamiteuse de "Major Dundee", quatre ans auparavant. Un film massacré par Hollywood qui le considère désormais comme un cinéaste ingérable. Peinant à rencontrer le succès, détesté par les producteurs, il en profite pour signer son chef d'œuvre, "La Horde sauvage", qui sort sur les écrans alors que les Etats-Unis s'enlisent dans la guerre du Vietnam.

Ballade d'une beauté funèbre sidérante, "La Horde sauvage" rentre dans la légende grâce à sa séquence finale de fusillade d'une violence inouïe. Quatre cow-boys se lancent en riant vers la mort contre une armée de 200 mexicains. La violence exacerbée et chorégraphique de la scène repousse les limites de la censure et vaut à Sam Peckinpah un vrai succès populaire autant que des controverses viscérales.

Le goût de la violence

Surnommé "Bloody Sam" ("Sam le sanglant") suite aux explosions d'hémoglobine de "La Horde sauvage", Sam Peckinpah restera à jamais associé à un cinéma de l'excès. On oublie parfois qu'il a réalisé des films d'une douceur absolue, comme "Un nommé Cable Hogue".

Mais ses œuvres les plus réputées demeurent frappées par le sceau d'une hypertrophie de la violence. "Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia" ou "Croix de fer" enfoncent le clou et assurent que quand on meurt dans un film de Peckinpah, on le fait troué de dizaines de balles en s'écroulant dans une mare de sang.

Image du film "Croix de fer" (1977) [Anglo-EMI/Rapid/Terra/The Kobal Collection]
Image du film "Croix de fer" (1977) [Anglo-EMI/Rapid/Terra/The Kobal Collection]

Bien plus encore que "La Horde sauvage", "Les Chiens de paille" déclenche une virulente polémique. Réalisé en 1971, au moment où le "Orange mécanique" de Stanley Kubrick,  qui défraye lui aussi la chronique pour son ultra violence, le film met en scène Dustin Hoffman en jeune mathématicien intellectuel et pacifiste qui s'installe avec son aguichante épouse dans une maison des Cornouailles.

Au passage, Sam Peckinpah filme une scène de viol très ambiguë qui lui vaut des accusations de misogynie et de machisme. Son cinéma est résolument un cinéma d'hommes, même s'il ne peut être réduit à ce simple fait.

Ne vous réjouissez pas de la défaite du monstre car, à travers le monde qui l’installa, puis l’arrêta, la putain qui l’a engendré est toujours en chaleur.

Bertold Brecht, réplique dans "Croix de fer" de Sam Peckinpah

Réalisateur majeur du cinéma moderne, Peckinpah a su tisser une œuvre radicale, singulière et maintes fois imitée.

Sa dimension mélancolique et poétique apparaît tout aussi forte que ses explosions de violence et ses décharges de testostérone.

Filmographie sélective

Crédits

Un décryptage de Rafael Wolf

Réalisation : Nathalie Hof et Miruna Coca-Cozma

RTSInfo - Rédaction culture - 2015