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Une aventure théâtrale de la Manufacture à Lisbonne

Tiago Rodrigues et les élèves de la Manufacture de Lausanne. [RTS - Thierry Sartoretti]
La Manufacture à Lisbonne / Nectar / 53 min. / le 7 mai 2018
La dernière volée des étudiants-comédiens de la Manufacture à Lausanne, prépare à Lisbonne son spectacle de sortie de la Haute école des arts de la scène, sous la conduite du metteur en scène portugais Tiago Rodrigues. Reportage.

Nous voici au cœur de Lisbonne. Un cœur caché au deuxième sous-sol du Teatro Nacional D. Maria II. Au-dessus, l’édifice historique, ses colonnades, sa pompe glorieuse, photographié par les milliers de touristes qui arpentent les pavés du quartier Rocio.

Teatro Nacional de D Maria II à Lisbonne. [CC-BY-SA 3.0 - Alegna13]

Ce cœur abrite aussi des secrets lointains. Aujourd’hui, vaste salle de répétition sise sous la scène de la plus grande institution théâtrale portugaise, il abritait autrefois les sinistres geôles de l’Inquisition. On y rencontre ces jours les seize étudiantes et étudiants de la Manufacture, la Haute école des arts de la scène, sise à Lausanne.

Ils et elles ne sont pas soumis à la Question par un sévère inquisiteur armé de la Sainte Bible. Leur participation très volontaire et passablement démocratique crée leur ultime spectacle d’école sous la conduite du metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, directeur du Teatro Nacional.

"Ca ne se passe jamais comme prévu"

Une grande table, des piles de feuilles. Elles arrivent au fur et à mesure d’une traduction menée dans l’urgence. La nuit, Tiago Rodrigues écrit des lettres en portugais. Des lettres d’adieu. Elles parlent d’un impossible rendez-vous dans le Jardin de Principe de Real et de cette ville que les élèves de la promotion I de la Manufacture ont arpentée en compagnie de porteurs de mémoire.

Il y a cette écrivaine qui leur a montré la piscine où elle nageait enfant, aujourd’hui à l’abandon. Il y a ce journaliste retraité qui leur a parlé de la révolution de 1974 et du vieux quartier du Bairro Alto. Il y a cet ancien exilé dont le frère est tombé dans les guerres coloniales… La biographie des étudiants et leurs rencontres nourrissent le futur texte du spectacle.

Un spectacle qui comprendra aussi des extraits de la pièce "La Cerisaie" d’Anton Tchekhov et de la chanson portugaise. Le lien entre ces éléments? Les temps qui changent, les mémoires qui tendent à s’effacer et les individus qui se quittent. Le titre de cette pièce résume à lui seul cette aventure menée, deux mois durant, à Lisbonne: "Ça ne se passe jamais comme prévu".

Le réalisateur portugais Tiago Rodrigues en plein travail avec les élèves de la Manufacture. [RTS - Thierry Sartoretti]

"J’écris toujours en fonction de mes interprètes car une pièce de théâtre c’est aussi et d’abord une rencontre, une expérience commune", explique le metteur en scène. Ses textes sont tout frais. Ils comportent parfois des maladresses de traduction que toute la table débusque et améliore.

Au sous-sol du Teatro Nacional, on saute du français au portugais pour expliquer tel dicton, telle expression populaire ou telle image poétique. Les jeunes comédiens découvrent leurs textes, les lisent à voix haute et proposent des modifications.

Des comédiens de demain

Ce matin-là c’est au tour de Pépin, Lucas, Greg, Dona, Isabela, Isumi et Julie de lire leur lettre. Vous ne les connaissez pas encore? Vous les verrez bientôt: au théâtre, au cinéma, dans vos séries télévisées préférées, dans une publicité ou lors d’une lecture publique.

Aujourd’hui, ce sont encore des étudiants à quelques semaines de leur bachelor de comédien obtenu en trois ans. Dès l’été, ce seront de jeunes comédiens professionnels enrichis d’une expérience unique: l’immersion dans une grande institution théâtrale, dans un autre pays, dans une autre culture, dans une autre langue. Première le 25 mai 2018 au Festival Alkantara, Teatro Nacional D. Maria II, Lisbonne. La suite en France et en Suisse.

Thierry Sartoretti

>> "Ça ne se passe jamais comme prévu". Mise en scène de Tiago Rodrigues. En tournée suisse : Monthey, Théâtre du Crochetan les 1 et 2 juin. La Chaux-de-Fonds, Centre culturel abc les 8 et 9 juin. Lausanne, Vidy, du 12 au 15 juin. Genève, Théâtre du Loup, du 26 au 27 juin.

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Tiago Rodrigues, metteur en scène européen

Il écrit, il dirige, il joue, il anime. Dans un nombre invraisemblable de langues lors de son spectacle "By Heart" durant lequel il invite dix spectateurs à le rejoindre sur scène pour apprendre par cœur un sonnet de Shakespeare, comme sa grand-mère. Dans des cultures très contrastées lorsqu’il passe de la troupe anversoise du tg STAN à la direction de la plus grande institution théâtrale portugaise en passant par des créations en France, notamment au Festival d’Avignon.

Voici un artiste à la quarantaine gourmande : d’histoires et d’Histoire, de mots, de langues et de rencontres. Un amoureux du théâtre qui consacre une pièce à Cristina Vidal, souffleuse du Teatro Nacional D. Maria II et mémoire de ce vénérable édifice. Un amoureux de culture française qui rend un hommage malicieux au roman « Madame Bovary » à travers le procès qui fut intenté contre son auteur Gustave Flaubert. L’an passé, le public romand a pu découvrir son travail lors d’un malicieusement nommé "Festiago" qui passait de Genève à La Chaux-de-Fonds. En portugais sous-titré, en français chantant et solaire, on en redemande!