Aretha Franklin, légende de la soul

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Introduction

Lauréate de 18 Grammy Awards, citée parmi les plus grandes chanteuses de tous les temps, fille du ghetto ayant reçu les plus hautes distinctions, Aretha Franklin, décédée jeudi, a incarné les plus grandes heures de la musique noire. Ses tubes "Respect", ou "Natural Woman" ont accompagné le mouvement des droits civiques aux États-Unis, dont elle fut l'égérie.

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L'enfance à Detroit

AFP - Daniel Lefevre

Née le 25 mars 1942 à Memphis, Aretha Franklin passe la majorité de son enfance à Detroit, dans le Michigan. Une ville à laquelle "la reine de la soul" restera attachée jusqu'à sa mort. Une rue porte d'ailleurs son nom.

Pourquoi Detroit? D'abord parce que musicalement la ville - siège de la Motown - a été le berceau de plusieurs styles musicaux, du punk à l'électro, et qu'elle y a enregistré ses premiers chants. Ensuite, parce que cette capitale de l'automobile, qui a connu la gloire après guerre avant de demander sa mise en faillite en 2013, a été et reste le théâtre de violentes tensions raciales. En juillet 1967, la ville a même connu les émeutes les plus sanglantes de l'histoire des Etats-Unis.

La ville de Detroit où Aretha Franklion a passé son enfance. [AFP - OSHUA LOTT]
La ville de Detroit où Aretha Franklion a passé son enfance. [AFP - OSHUA LOTT]

C'est donc à Detroit où la population afro-américaine forme une communauté très importante que grandit la petite Aretha. Elle a six ans quand ses parents se séparent. Si la mère, chanteuse de gospel, leur rendra visite souvent, la garde des cinq enfants revient au père, le célèbre révérend Clarence LaVaughn Franklin, pasteur baptiste, homme d'affaires et à femmes, compagnon de route de Martin Luther King.

Ce militant des droits civiques mourra en 1984, au terme d'un coma de cinq ans, suite à une blessure par balle provoquée au cours du cambriolage de sa maison.

Légende de la soul 2
Débuts fracassants et maternité précoce

AFP - DPA / A0009_dpa

Aretha Franklin connaît des débuts fracassants et fracassés. Propulsée dans une salle de spectacle à 14 ans, elle devient une star à 25, avec des enregistrements R&B parmi les plus influents des années 60.

Mais entretemps, elle a eu deux enfants, le premier à 14 ans, le second à 16 ans, ce qui l'oblige à quitter le lycée. Car aux humiliations racistes s'ajoute le machisme quotidien, inculqué par un père très libéral s'agissant des droits de l'homme mais totalement rétrograde sur ceux des femmes. Aretha aura à subir le sexisme du ghetto comme toutes ses soeurs.

Sa célèbre reprise en 1967 de la chanson d'Otis Redding, "Respect", est un cri féministe pour que cessent ces violences. "Tout ce que je demande/C'est un peu de respect quand tu rentres à la maison (juste un peu)/Hey baby, juste un peu de respect".

C'est sa grand-mère qui s'occupera de ses deux fils pour qu'Aretha puisse continuer à exercer son don.

En 1967, après avoir signé avec Atlantic, les tubes tombent un à un: "A natural woman", "I never loved a Man" ou "I say a little Prayer". Elle est surnommée "the queen of soul".

Si une chanson parle de quelque chose qui m'est arrivé ou pourrait m'arriver, c'est bien. Mais si elle m'est étrangère, je ne pourrais rien faire. Parce que c'est ça la soul: juste vivre et supporter.

Aretha Franklin, reine de la soul

Sa renommée est désormais internationale. Aretha Franklin devient un symbole de fierté pour la communauté noire et la figure afro-américaine la plus populaire chez les blancs. Elle est la femme de tous les records: 18 Grammy Awards et 75 millions de disques écoulés, faisant d'elle l'artiste féminine ayant vendu le plus de vinyles de tous les temps, première femme à entrer au Rock and Roll Hall of Fame (1987) et la seconde au UK Music hall of Fame.

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Traversée du désert et rebond

AFP - STAN HONDA

Aretha Franklin a toujours considéré que sa voix était un don de Dieu. Mais hormis "Amazing Grace" en 1972, qui devient l'un des albums gospel les plus vendus de l'histoire de la musique avec 2 millions de copies, elle connaît une petite traversée du désert dans les années 70. Elle quitte donc Atlantic pour la maison de disques Arista, en 1980, et enchaîne de nouveaux succès: "Jump to it" ou "Get It right".

En 1985, elle chante en duo avec Eurythmics "Sisters are doin'it for themselves" qui marque une évolution dans sa carrière.

Comme les duos lui portent chance, elle enregistre aussi "Jumpin' Jack Flash" avec Keith Richards et "I knew you were waiting" avec George Michael. Elle mêlera encore sa voix à celle d'Elton John, Whitney Houston ou Luciano Pavarotti. C'est une diva; elle en a les caprices - en 1984, elle est poursuivie pour non-respect de contrat alors qu'elle avait signé pour tenir le premier rôle de la comédie musicale "Sing, Mahalia, Sing" - mais aussi le gabarit, conséquence d'une maladie dont elle n'a jamais voulu dire le nom.

Dans les années 90, elle met sa voix sublime au service de plusieurs bandes originales de films, "Malcolm X" avec "Someday we'll all be free" ou "Sister Act 2".

En 1998, elle surprend avec un album hip-hop et participe à deux reprises au concert caritatif "Divas Live", en 1998 et en 2000. Son succès ne faiblira jamais et de nombreuses stars de la chanson américaine - Beyonce, Alicia Keys ou Mary J. Blige - disent avoir été inspirées par Aretha Franklin.

Récital Aretha Franklin à Los Angeles, en 2012. [GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP - KEVIN WINTER]
Récital Aretha Franklin à Los Angeles, en 2012. [GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP - KEVIN WINTER]

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La gloire et la maladie

GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP - Dimitrios Kambouris

La petite fille du ghetto, tétanisée par la figure autoritaire de son révérend de père, aura rencontré tous les puissants de ce monde, avec décontraction ou conviction, parfois les deux.

En janvier 2009, elle est choisie par Barack Obama pour interpréter "My country Tis of Thee" lors de sa cérémonie d'investiture. Quatre ans auparavant, elle recevait des mains de George W. Bush la Médaille de la liberté, plus haute distinction américaine pour un civil. Et en 1999, Bill Clinton - pour qui elle a aussi chanté lors de son investiture - lui remettait la médaille des Arts.

George W. Bush donne à Aretha Franklin la Médaille présidentielle de la Liberté, en novembre 2005. [Mandel NGAN - Mandel NGAN]
George W. Bush donne à Aretha Franklin la Médaille présidentielle de la Liberté, en novembre 2005. [Mandel NGAN - Mandel NGAN]

En septembre 2015, à Philadelphie, la fille du pasteur chante devant le pape François lors de sa visite aux Etats-Unis.

Aretha Franklin a donné son dernier concert en août et a chanté pour la dernière fois sur scène, en novembre 2017, au profit de la fondation d'Elton John contre le sida.

La diva, connue pour ses problèmes de poids et d'alcool, y est apparue très amaigrie, épuisée par un cancer du pancréas diagnostiqué en 2010 déjà.

Elle est décédée le jeudi 16 août.

Aretha Franklin reçoit des mains de Bill Clinton la médaille nationale des Arts, en 1999. [AFP - STEPHEN JAFFE]
Aretha Franklin reçoit des mains de Bill Clinton la médaille nationale des Arts, en 1999. [AFP - STEPHEN JAFFE]

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