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Être chef d'orchestre, c'est savoir créer des liens entre les musiciens

Herve Klopfenstein, chef et directeur de la Haute Ecole de musique de Lausanne.
Jean-Christophe Bott
Keystone [Keystone - Jean-Christophe Bott]
"Diriger aujourdʹhui" / Magnétique / 42 min. / le 27 avril 2017
Devant l'orchestre, on ne voit que le chef. Mais que fait-il vraiment? Quelles sont les compétences nécessaires pour occuper ce poste? Visions croisées d'un métier aux variations multiples.

Diriger un orchestre est une activité paradoxale, nous disent les invités de "Magnétique". En effet, le chef est le seul musicien qui ne produit pas de son, remarque Hervé Klopfenstein, directeur de la Haute École de musique de Lausanne (HEMU). "Il doit incarner la musique sans la jouer." Et, pour exposé qu'il soit, il tourne le dos au public.

Il en va de même pour les instructions que le chef donne à l'orchestre. Il faut être clair, donner des indications compréhensibles, insiste le Franco-Américain George Pehlivanian. Et, pourtant, il faut aussi laisser les instrumentistes s'écouter, rétorque le jeune chef Pierre-Antoine Marçais; parfois même les y forcer en les "lâchant" davantage. Le chef doit évidemment soutenir les solistes mais il doit créer des liens entre les musiciens, parfois distants de plus de dix mètres tels le corniste et la violoncelliste. Et, comme un cuisinier, il dose les ingrédients, sourit Hervé Klopfenstein.

Inspirer et diriger

Le métier varie énormément, que l'on soit chef titulaire d'un orchestre ou chef invité, que l'on travaille avec des amateurs ou des professionnels; que l'on joue le répertoire lyrique, la musique ancienne ou contemporaine. Et chaque chef peut trouver une place qui lui convient parmi ces différents environnements, relève le directeur de l'HEMU. Ce dernier précise que les deux formations romandes en Haute école spécialisée, à Genève et à Lausanne, préparent à des destins distincts.

Être chef d'orchestre, c'est, relèvent ces professionnels, avoir une capacité à inspirer, un talent inné de leader. "J'ai joué avec les meilleures formations du monde mais aussi avec de moins bonnes, relate George Pehlivanian. Et j'ai pourtant eu des concerts magnifiques avec ces dernières. Quand je commence à les motiver, que je les engage à prendre du plaisir, que je leur montre que j'adore la musique, ils prennent feu. Comme si l'on avait jeté un briquet sur de l'essence."

Depuis les rangs des musiciens, on remarque très vite les chefs qui sont à leur place, note Andrea Bandini, trombone à l'Orchestre de la Suisse romande. Il confirme que certains d'entre eux n'ont pas besoin d'expliquer longuement leurs intentions: "Ils disent tout avec le geste et le regard." Aguerri, le soliste regrette que les jeunes chefs s'approprient moins les partitions que leurs aînés. Ces derniers ont, dit-il, davantage à cœur de donner une lecture personnelle de chaque œuvre.

Benoît Perrier/hof

>> George Pehlivanian donnera une conférence le 3 mai sur "Les secrets du maestro" à la Seine musicale, nouvelle salle de concert parisienne

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