First Lady of Song

Grand Format

AP Photo/Bob Dear, File - BOB DEAR

Introduction

Tout juste cent ans après sa naissance, l’occasion est parfaite pour déguster l’art inestimable d’Ella Fitzgerald, surnommée à l’unanimité "First Lady of Song"

Une voix féminine exquise

Née dans un milieu défavorisé, Ella Fitzgerald n’a pas eu une enfance tranquille. Ses parents se séparent assez vite. En 1932, sa mère meurt tragiquement dans un accident de voiture, la laissant orpheline et sans ressources. Mais cette maman folle de musique aura quand même le temps de lui apprendre le répertoire entier des Boswell Sisters, trois soeurs extraordinaires issues de La Nouvelle-Orléans, qui furent les premières influences de la toute jeune Ella.

"Ce n'est pas d'où vous venez qui compte, mais où vous allez"

Ella Fitzgerald

En 1934, elle s'inscrit à un concours amateur de jeunes talents, sur la scène de l’Apollo de Harlem à New York (Amateur Night Show). Elle envisage d'abord de danser. Mais sur scène, elle interprète en tremblant "The Object of My Affection", une chanson de 1934 des Boswell Sisters, et remporte à 17 ans une victoire incontestée.

La chance lui sourit doublement ce jour-là: le grand saxophoniste et arrangeur Benny Carter l’entend et la recommande au batteur Chick Webb, qui tenait alors le haut du pavé à Harlem. Si "Gentleman Chick" n'est pas tout de suite convaincu par la jeune fille, il choisit ensuite de l'embaucher après une prestation convaincante et l'adopte.

Lorsque Chick Webb décède prématurément en 1939, Ella reprendra la direction de l’un des meilleurs orchestres de jazz du moment, sans aucune préparation et avec un enthousiasme qui lui permettra de faire survivre l’orchestre et sa vingtaine d’instrumentistes pendant trois ans. Sa carrière est lancée.

Ella Fitzgerald [DR]
Ella Fitzgerald, "La Grande Dame du Jazz" aurait eu 100 ans cette année. [DR]

Bebop, libertés et impros

Dès 1939, Ella croise la route de Dizzy Gillespie, un fieffé danseur et acrobate virtuose du Bebop en pleine ascension. Ensemble, ils dansent et s'influencent mutuellement. Ella construit son sens infini de l’improvisation. Et lorsqu'elle improvise, la chanteuse se plonge dans une création perpétuelle: celle d’une phrase qui s’auto-génère et se nourrit en permanence de références, de clins d’oeil et de citations... Ella Fitzgerald s’appuie sur une connaissance encyclopédique des mélodies du grand répertoire et du jazz.

Elle aura notamment l’occasion, dans le cadre des concerts du Jazz at the Philharmonic, de se frotter aux plus grands instrumentistes de l’heure, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Lester Young, Roy Eldridge, Stan Getz, Oscar Peterson et tant d'autres… A chaque fois, elle pousse les solistes dans leurs derniers retranchements lors de jam sessions étourdissantes.

Habituée de la scène du Montreux Jazz Festival, elle s'y produit à cinq reprises, des prestations toutes encensées par la presse.

>> Lors de sa première venue en 1969 - Ella Fitzgerald a alors 52 ans -, le jeune Claude Nobs l'accompagne cérémonieusement. A son arrivée à l'hôtel, quelques journalistes saisissent alors ces quelques instants :

Instants volés à l'arrivée d'Ella Fitzgerald à son hôtel. [RTS]
Divers - Publié le 11 juillet 1969

"Ella, we love you madly"

Duke Ellington

Un répertoire légendaire

Personne, probablement, dans toute l’histoire de la musique, n’a enregistré autant des grands standards du jazz au cours d'une carrière. Ella Fitzgerald a enregistré la musique de tous les plus grands compositeurs et paroliers, parmi lesquels Gershwin, Rodgers & Hart, Irving Berlin, Cole Porter, Jerome Kern et Johnny Mercer.

Elle a travaillé avec les plus grands des chefs d’orchestre, en commençant donc par Chick Webb, avant de rejoindre Benny Goodman et une kyrielle d’orchestres qu’elle a illuminés de sa présence solaire, de manière épisodique ou régulière. Si toutes ces collaborations seront autant de réussites, celles qui l’uniront à Count Basie et à Duke Ellington atteindront des hauteurs historiques.

Lors de sa venue à Montreux en juin 1969, elle interprète "Sunshine of your love", accompagnée de l'excellent Tommy Flanagan Trio.

>> Extrait d'un enregistrement réalisé dans les studios de la Radio Lausanne (1953) :

Ella Fitzgerald, concert à Newport en 1983. [KEYSTONE/AP Photo/Julie Markes - Julie Markes]KEYSTONE/AP Photo/Julie Markes - Julie Markes
Versus - Publié le 25 avril 2017

"Ne renoncez pas à faire ce que vous voulez faire. Là où il y a des rêves, de l'amour et de l'inspiration, vous ne pourrez pas vous tromper"

Ella Fitzgerald

Sur scène au Montreux Jazz Festival, accompagnée du contrebassiste Keter Betts – la main du pianiste est celle de Tommy Flanagan! (1975). [KEYSTONE/Str]
Sur scène au Montreux Jazz Festival, accompagnée du contrebassiste Keter Betts – la main du pianiste est celle de Tommy Flanagan! (1975). [KEYSTONE/Str]

Un homme à ses côtés

Aux côtés d’Ella pendant près de cinquante ans, un homme va jouer un rôle décisif, sans jamais avoir signé l’ombre d’un contrat avec la chanteuse: Norman Granz, Monsieur Jazz at the Philharmonic.

Ce visionnaire, fou de jazz et de peinture - ses marques de disques auront pour nom Clef, Norgran, Verve ou Pablo - va permettre à Ella, à partir de la fin des années 40, de construire une carrière incomparable, en lui offrant les plus grands accompagnateurs de l'époque et les contextes d’enregistrement les plus luxueux.

Il a été le maître d'œuvre de l'enregistrement de Porgy and Bess avec Ella Fitzgerald et Louis Armstrong en 1957-1958, avec un grand orchestre, dirigé par Russell Garcia.

Pochette de l'album "Porgy & Bess" d'Ella Fitzgerald et Louis Armstrong. [Verve]
Pochette de l'album "Porgy & Bess" d'Ella Fitzgerald et Louis Armstrong. [Verve]

Tout en se battant pour une politique de cachets "alignés" et en expliquant au monde que des musiciens noirs devaient être traités de la même manière que les superstars blanches du moment… un sacré combat.

>> Ecoutez l'émission Versus consacrée aux cent ans d'Ella Fitzgerald :

Ella Fitzgerald en 1962 [wikipedia]wikipedia
Versus-écouter - Publié le 25 avril 2017

Crédits

Sur une proposition d'Yvan Ischer

Réalisation web: Joëlle Rebetez