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Eliette Abécassis: "J'ai été élevée entre Lacan et le Talmud"

Portrait de la romancière et essayiste Eliette Abecassis. [AFP - Leemage]
Eliette Abécassis "Le maître du Talmud" Ed. Albin Michel / Entre nous soit dit / 56 min. / le 21 mai 2018
Romancière et essayiste, Eliette Abécassis vient de publier "Le maître du Talmud", polar érudit qui plonge le lecteur dans le Paris du 13e siècle, sous le règne du bon roi Louis.

Sa voix est presque enfantine, avec de nombreux accents étonnés. Elle est étrange pour une intellectuelle de son gabarit, fille d'un père philosophe et d'une mère professeure de psychologie pour enfant. "J'ai été élevée entre le Talmud et Lacan", dit Eliette Abécassis à la RTS.

Eliette Abécassis revendique plusieurs identités: sépharade, strasbourgeoise - elle est née et a grandi en Alsace - et parisienne, "très parisienne" ajoute celle qui porte à l'élégance vestimentaire un soin particulier, héritage de sa grand-mère couturière. "On peut être féministe et féminine", répète-t-elle depuis plusieurs années. Mais c'est sur son dernier roman qu'elle est intarissable.

Plongée dans le 13e siècle de l'Inquisition

"Le maître du Talmud" (éditions Albin Michel) plonge le lecteur dans le Paris du 13e siècle, en 1240 exactement, sous le règne du roi Louis IX, considéré comme un saint de son vivant.

Son image est très positive qui le montre en train de rendre la justice sous son chêne, mais c'est lui qui a massacré les Cathares, lui aussi qui a nourri la controverse entre chrétiens et juifs, lui qui a fait saisir tous les talmud et les a fait brûler sur la place de Grève.

Eliette Abécassis, romancière
Louis IX rendant la justice sous son chêne [Leemage - Bianchetti]

Dans son polar érudit, Eliette Abécassis explore donc la face la plus obscure du règne de Louis IX, son antijudaïsme.

Le livre commence par le corps d'un bébé égorgé déposé devant l'Ecole talmudique de Paris. Le narrateur, un jeune homme qui étudie la Torah et le Talmud, se retrouve au coeur d'un complot meurtrier qui met en danger la survie de la communauté juive, accusée de meurtres rituels.

Retour de l'obscurantisme

Conscient du danger qui le menace, le narrateur mènera une contre-enquête selon les principes de la pensée talmudique. "C'est-à-dire avec plusieurs résolutions et plusieurs points de vue, très loin de la culture dogmatique de l'époque", dit Eliette Abécassis qui ne peut s'empêcher de voir en ce début de XXIe siècle un retour à l'obscurantisme et un regain d'antisémitisme.

Best-seller historico-théologique

Cette fresque où se mêlent l'amour et la haine, la passion et la dévotion, la fidélité et la trahison, s'inscrit dans la lignée de son premier roman "Qumran", enquête minutieuse et ample autour des Manuscrits de la Mer morte. Son livre, refusé par tous éditeurs avant que Ramsey l'accepte, est devenu un best-seller traduit en dix-huit langues. C'était en 1996, Eliette Abécassis avait 27 ans.

Pourquoi "Qumran" a d'abord été refusé? C'était l'époque de l'autofiction triomphante et dix ans avant le "Da Vinci Code" qui a popularisé le genre.

Eliette Abécassis, romancière

La romancière et essayiste croit beaucoup à la structure du polar pour ouvrir le lecteur à des horizons nouveaux, ce que Umberto Eco, auteur du "Nom de la Rose", appelait la "narrativité de la connaissance". Car dans un polar, il y a un mystère à résoudre et un meurtrier à découvrir: le lecteur est donc actif et se laissera plus facilement entraîner dans des univers qu'il ne connaît pas. "Si par ce livre, je réussis à le sensibiliser au raisonnement talmudique, j'aurai relevé le défi!".

Propos recueillis par Lydia Gabor

Réalisation web Marie-Claude Martin

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