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Les ultimes poèmes de l'écrivain genevois Georges Haldas

L'écrivain Georges Haldas est décédé en 2010. [Keystone - Philippe Krauer]
Georges Haldas: "Poèmes du veilleur" / Versus-lire / 39 min. / le 20 mars 2018
Sept ans après la disparition de l'écrivain genevois, les éditions L'Âge d'Homme publient dans la collection Poche Suisse "Poèmes du veilleur", fragments d'éternité que Georges Haldas a écrits ou dictés au cours des dix dernières années de sa vie.

"Poèmes du veilleur", une belle initiative éditoriale que l'on doit à celle qui fut sa dernière compagne, Catherine de Perrot-Challandes. Elle avait 39 ans, il en avait 70. Par un jour de printemps 1987, Catherine de Perrot-Challandes se trouvait sur le stand de L'Âge d’Homme au Salon du livre de Genève. A quelques mètres d'elle, Georges Haldas échangeait avec son éditeur Vladimir Dimitrijevic.

"Je me suis dit: tu restes là, Georges va venir vers toi et ce sera jusqu'à la mort", confie celle qui connaissait bien l'œuvre de l'écrivain sans jamais avoir osé l'approcher. Il est venu vers elle et ce fut en effet jusqu'à la mort. Dès cette première rencontre vécue comme une fulgurante évidence, Catherine de Perrot-Challandes a accompagné Haldas jusqu'à son dernier souffle survenu en octobre 2010.

Complicité et poésie

Vingt-trois ans durant, ce cheminement commun s'est ancré dans une solide complicité intellectuelle. Le vieil homme a pu compter sur la présence de sa compagne pour retranscrire ses ultimes poèmes, alors qu'il perdait peu à peu la vue. Catherine de Perrot-Challandes a recueilli ces jaillissements poétiques sur le vif, jour après jour, et a tenu à les publier dans l'ordre de leur réception.

"Résurrection"

Vraiment je ne peux croire
qu'arrivera le jour
maudit où nous serons
plus séparés encore
que la feuille de l'arbre
que l'eau de la fontaine
Le vent m'emportera
mais toi tu resteras
mon étoile et ma foi
et pour cela je sais
qu'à nouveau on vivra
reliés au même arbre
où de tout on rira
et surtout de la mort
qui sera balayée (…)

G. Haldas, Poèmes du veilleur

Des fragments d'éternité

Ce sont deux cent septante-six poèmes, exactement. Autant de fragments d'éternité où la mort est annoncée avec insistance, le regret aussi de devoir quitter les plaisirs d'une vie passée en "état de poésie". Ces longs adieux parfois anxieux, souvent lumineux, sont imprégnés des effluves et des goûts de la Grèce, lointaines réminiscences d'enfance. Malgré les doutes, surgit régulièrement l'espoir d'une résurrection promise par "le Sieur mystérieux qui régit l'univers".

Il fut un arpenteur amoureux de la Genève des bistrots, des petites gens et des marginaux. Ville qu'il a si souvent célébrée dans son œuvre. C'est pourtant au Mont-sur-Lausanne que Georges Haldas a passé ses dernières années. Il y est mort. "Mon appartement donne sur un petit jardin fermé comme un cloître où on aperçoit le ciel", précise Catherine de Perrot-Challandes. "Lorsque Georges s'installait à sa table d'écriture, émanait de lui une sorte d’aura. Il percevait tout ce que je faisais. Lui qui a souvent dit ne pouvoir écrire que dans les cafés, à son grand étonnement, était capable de le faire chez moi".

"Être là"

J'aimais bien ces dimanches
silencieux pudiques
où toi tu travaillais
Et moi dans l’autre chambre
lentement j’écrivais.

J'aimais bien ces silences
J'aimais bien ne rien dire
Être là simplement
Laisser le temps mûrir
Et l'esprit nous unir

G. Haldas, Poèmes du veilleur

Addendum poétique

En 2000, Vladimir Dimitrijevic avait publié la "Poésie complète" de celui qu'il considérait comme son frère balkanique. Un titre peu apprécié par Haldas qui ne concevait pas l'achèvement d'une œuvre avant la mort de son auteur. Le temps lui a donné raison.

Aujourd'hui, Andonia Dimitrijevic a pris le relais de son père à la tête de L'Âge d’Homme et publie cet addendum poétique. Comme un message d'outre-tombe.

Jean-Marie Félix/ld

"Poèmes du veilleur", Editions L'Âge d'Homme, janvier 2018

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