Richard Ford signe "Entre eux", un grand livre sur l'amour filial

D'un côté, le père. Voyageur de commerce, il roulait en Ford et vendait de l'amidon, pour le linge, dans le Sud rural des États-Unis "la bouche irlandaise bien fendue", il était toujours d'humeur joviale, "un homme voué au bonheur". Parker Ford est né en 1904 à Atkins, alors "capitale du cornichon". Un "grand gars souriant", "un peu mou" dont l'écrivain, Richard Ford, son fils, n'arrive pas à se souvenir de la voix. Et dont il se sent séparé, par "une barrière immatérielle".

De l'autre côté, sa femme, Edna Atkin, née en 1910, a vécu une enfance difficile. Elle accompagne souvent son mari en voiture dans ses déplacements. Ensemble, ils fument, chantonnent le slogan de la marque d'amidon Faultess et semblent heureux. Puis intervient la naissance tardive de leur fils unique, Richard. C'est elle surtout qui élèvera le fils, pendant les absences du père, toujours sur les routes, et même après la mort de ce dernier, terrassé par une seconde crise cardiaque.

Un livre, deux portraits

Le livre se partage entre ces deux portraits, l'un sur son père, l'autre sur sa mère, écrits à trente ans d'écart. L'écrivain essaie de retracer leur vie, jusqu'à leur mort.

"Entre eux", c'est là qu'a grandi Richard Ford, c'est là qu'il s'est glissé, à sa naissance, pour vivre au sein d'un couple fusionnel, qui ne formait parfois qu'un "seul organisme". C'est là, dans cet "entre-deux", qu'est née sa vocation d'écrivain.

De ces parents, il ne connaissait pas la vie intérieure, les rêves, les sentiments. À l'écriture de tout restituer, mais seulement par des faits, des souvenirs précis. Rien d'héroïque, dans ces vies, en marge de la grande Histoire, dans l'Amérique de la Dépression. Et pourtant l'essentiel est là. "Tout s'enfuit ou presque, sauf l'amour". Sous ses airs modestes, un grand livre sur le passé, la famille, l'amour filial et l'écriture.

Julien Burri/ld