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Ruben Ostlund: "Je n'ai rien contre l'art contemporain"

Ruben Ostlund. [LIONEL BONAVENTURE / AFP]
"The Square", grandiose Palme dʹor / Nectar / 53 min. / le 17 octobre 2017
Après "Snow Therapy", Ruben Ostlund continue de malmener l'archétype du mâle dominant. Drôle, brillant et éprouvant, "The Square", Palme d'or qui sort aujourd'hui, met un directeur de musée face à ses contradictions morales.

Soixante-six ans que la Suède n'avait pas reçu de Palme d'or. Même Ingmar Bergman, monument du cinéma suédois et mondial, ne l'a jamais obtenue. Avec son cinquième film, Ruben Ostlund se voit donc propulsé sur la scène internationale, même si sa palme n'a pas fait l'unanimité, et de loin. Certains lui reprochent son regard froid, voire moralisateur, et sa satire trop lourde du monde de l'art.

Qu'est-ce que "The Square"?

"The Square" est une œuvre d'art conceptuelle qui a donné son nom au film. Un carré blanc décrit comme un "sanctuaire où règne l'altruisme". Une œuvre qui éprouve la confiance qu'on porte – ou non – à l'autre. C'est cette œuvre dont Christian, le directeur du musée, fait la promotion. Pendant deux heures trente, le film déploie les contradictions morales de son personnage, qui, à la suite du vol de son téléphone portable, vit une suite d’événements fâcheux, qui le mettront face à sa vraie nature.

Un regard critique

La trame a pour décor le monde de l'art. "Entendons-nous, affirme Ruben Ostlund, je n'ai rien contre l'art contemporain. Le film pourrait tout aussi bien se passer dans le milieu du cinéma. Mais je porte un regard critique sur l'art et ses rituels. La première fois que Marcel Duchamp a mis son urinoir dans un musée, c'était pour provoquer et remettre en question l'espace même du musée. Aujourd'hui, cela ne provoque plus, du moins c'est mon avis. Aller au musée et regarder une œuvre, c'est un rituel qui continue de manière très conventionnelle".

L'art du malaise

En étirant ses séquences à l'extrême, avec un grand sens de l'humour, Ruben Ostlund est passé maître dans l'art de créer le malaise, chez ses personnages comme chez les spectateurs. "J'aime ces situations embarrassantes, car si les scènes sont bien écrites et bien construites, elles sont drôles et révèlent quelque chose de nous-mêmes. Beaucoup de comédies de stand-up se fondent sur le malaise. Et soulèvent des questions grâce à cela.".

Sur notre (in)humanité, notre (in)capacité d'empathie. "On est parfois paralysé par des choses qui se passent sur le trottoir d'en face, parce qu'on est grégaires et que, d'instinct, on se dit, comme un animal face à un prédateur: Pas moi, pas moi, par pitié, choisis quelqu'un d'autre. Voilà ce que montre le film: notre côté animal, ce qu'il nous reste quand on se débarrasse de la culture et qu'on se retrouve face à son instinct".

Propos recueillis à Cannes en mai 2017 par Raphaële Bouchet/mg

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