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Egypte: Moubarak nomme un vice-président

Hosni Moubarak a nommé Omar Souleimane (à gauche) au poste de vice-président. [KEYSTONE - AP Egypt TV]
Hosni Moubarak a nommé Omar Souleimane (à gauche) au poste de vice-président. - [KEYSTONE - AP Egypt TV]
Des dizaines de milliers d'Egyptiens ont bravé le couvre-feu samedi au cinquième jour de leur révolte sans précédent contre le régime du président Hosni Moubarak. Pour la première fois en 29 ans de règne, celui-ci a nommé un vice-président ainsi qu'un nouveau Premier ministre.

Mais l'opposant le plus en vue, l'ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique et prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, jugeant insuffisante ces nominations, a de nouveau appelé Hosni Moubarak à partir sans délai pour le bien de l'Egypte, dans des déclarations à la chaîne Al-Jazira.

La communauté internationale a de son côté multiplié les appels à des réformes, à la retenue et à l'arrêt des violences au cinquième jour d'un mouvement de contestation qui a fait au moins 92 morts et des milliers de blessés et ne paraît pas s'essoufler.

Appel à la retenue

Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et David Cameron ont appelé le président égyptien Hosni Moubarak à "engager un processus de changement" face aux "revendications légitimes" de son peuple et à "éviter à tout prix l'usage de la violence contre des civils", samedi dans une déclaration commune.

Barack Obama de son côté a réuni samedi son conseil à la sécurité nationale pour faire le point sur la situation en Egypte et exhorté à nouveau le pouvoir à mettre en oeuvre des réformes et à faire preuve de retenue envers les manifestants, a annoncé la Maison Blanche.

Des proches des militaires aux postes-clés

H.Moubarak, 82 ans, dont l'avenir semble sombre, donne l'impression de vouloir s'accrocher au pouvoir en procédant à de nouvelles nominations après avoir promis la formation d'un nouveau gouvernement et des réformes.

Ahmad Chafic a été chargé samedi de former le nouveau gouvernement égyptien par Hosni Moubarak. [Mike Nelson]
Ahmad Chafic a été chargé samedi de former le nouveau gouvernement égyptien par Hosni Moubarak. [Mike Nelson]

Il a nommé le chef des Renseignements Omar Souleimane vice-président, premier poste du genre depuis son arrivée au pouvoir en 1981. Il a également chargé le ministre de l'Aviation, le général Ahmad Chafic, de former le prochain gouvernement. Ahmad Chafic est apprécié au sein de l'élite et l'opposition et des analystes avaient évoqué son nom pour éventuellement succéder, en cas de vacance du pouvoir, à Hosni Moubarak qui a dirigé l'Egypte d'une main de fer depuis 29 ans.

Néanmoins les promesses de Hosni Moubarak, jugées en deçà des revendications de la population pour de meilleures conditions de vie - lutte contre le chômage et la pauvreté et la liberté d'expression, n'ont pas entamé la détermination de la rue à le chasser.

Manifs malgré le couvre-feu

L'armée, épine dorsale du régime, présente avec ses blindés pour donner main forte à une police dépassée par les événements, a enjoint la population de respecter le couvre-feu instauré au Caire, à Alexandrie et à Suez, de 16h00 à 08h00.

Un char de l'armée entouré de manifestants la nuit dernière au centre du Caire. [KEYSTONE - Ben Curtis]
Un char de l'armée entouré de manifestants la nuit dernière au centre du Caire. [KEYSTONE - Ben Curtis]

Mais en milieu de soirée des milliers de personnes étaient toujours massées dans les rues du centre du Caire et dans d'autres villes du pays après une journée marquée par des heurts entre manifestants et forces de sécurité qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles caoutchoutées.

Aux cris de "Moubarak va-t-en" ou "Celui qui aime l'Egypte ne détruit pas l'Egypte", elles conspuaient le président.

Des morts dans tout le pays

Au moins 92 personnes ont été tuées et des milliers blessées depuis le début mardi de la contestation contre le président égyptien, dont 85 dans les violents heurts vendredi et samedi entre manifestants et policiers, selon des sources médicales.

Samedi, 23 morts - douze à Béni Soueif, trois au Caire, trois à Rafah et cinq à Ismaïliya - ont été recensés au cours des affrontements, ont déclaré des sources hospitalières et de sécurité. Les manifestants à Béni Soueif, ville située à 140 kilomètres au sud du Caire, avaient tenté d'attaquer un poste de police, ce qui a mis le feu aux poudres.

Vendredi, les heurts ont fait 62 morts, dont 35 au Caire, d'après des informations obtenues auprès des hôpitaux.

A Rafah et à Ismaïliya, sur le canal de Suez, le siège de la Sûreté de l'Etat a été attaqué par des dizaines de milliers de manifestants, et à Alexandrie (nord) des milliers de personnes ont manifesté, cependant que plusieurs commissariats étaient en flammes. Selon les services de sécurité, 60% des postes de police du pays ont été incendiés, dont 17 au Caire. Dans la ville de Mansoura, sur le Delta du Nil, la police a recouru à des gaz lacrymogènes pour disperser des milliers de manifestants, puis l'armée s'est déployée en soirée, selon des témoins.

Des pillages

Des comités de quartier, armés de gourdins et de barres de fer, se sont constitués samedi à travers Le Caire pour protéger la population d'une nouvelle menace: les bandes de pillards qui dévalisent les commerces, vandalisent les maisons et sèment la terreur.

Les Egyptiens ont commencé samedi à s'organiser pour éviter les pillages [AFP - Mohammed Abed]
Les Egyptiens ont commencé samedi à s'organiser pour éviter les pillages [AFP - Mohammed Abed]

Dans des quartiers aisés du Caire, objet de pillages, des expatriés ont commencé à partir de crainte pour leur sécurité, soit pour l'aéroport, soit pour trouver refuge dans de grands hôtels bien protégés.

En outre, les services de téléphonie mobile, coupés comme l'Internet pour contrecarrer les manifestations, étaient partiellement rétablis. Mais l'Internet ne semblait toujours pas accessible. Seule note positive pour Hosni Moubarak, la "solidarité" exprimée par le roi saoudien Abdallah et le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas.

ats/afp/lan

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Berne déconseille l'Egypte

Le Département fédéral des Affaires étrangères déconseille aux voyageurs d'effectuer un séjour touristique ou autre au Caire et dans les villes d'Alexandrie, de Suez et d'Ismailia.

Berne estime qu'il faut "s'attendre à d'autres manifestations et des violences au Caire et dans les grandes villes de province".

Plusieurs voyagistes suisses ont aussi renoncé aux excursions prévues au Caire et autour des pyramides. Les voyageurs en partance pour Le Caire peuvent annuler leur réservation, sans frais supplémentaires, auprès de Kuoni, Hotelplan et Tui Suisse. Cette procédure est valable jusqu'au 15 février 2011.

La plupart des clients des trois voyagistes ne résideraient pas au Caire même mais surtout dans les stations balnéaires égyptiennes.

Sur 720 clients concernés chez Hotelplan, 17 ont choisi le Caire. Chez Kuoni, neuf touristes sur six cents sont actuellement dans la capitale égyptienne. Enfin, chez Tui Suisse, sur 400 clients seule une poignée d'entre eux se trouveraient dans la capitale égyptienne.

La présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey s'est elle dit préoccupée par l'escalade de la violence en Egypte. Elle appelle le gouvernement égyptien à respecter les libertés d'expression et de rassemblement.

Un blocage des fonds du président Moubarak ou des hauts dirigeants de son parti n'entre pas en ligne de compte pour l'instant, a-t-elle précisé.