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L'initiative pour la peine de mort est retirée

La Suisse pourrait rejoindre les 58 pays qui pratiquent encore la peine de mort dans le monde. [Keystone - STR]
Le code pénal suisse interdit la peine de mort depuis 1942. - [Keystone - STR]
L'initiative populaire en faveur de la réintroduction de la peine capitale a vécu. Au lendemain du feu vert officiel pour la récolte de signatures, les initiants ont retiré le texte. Ils voulaient surtout attirer l'attention sur des dysfonctionnements de la justice. Amnesty se dit soulagé.

L'initiant principal Marcel Graf a confirmé mercredi le retrait du texte. Selon le message publié sur le site internet du comité d'initiative, ce texte était le seul moyen légal de se faire entendre. Lancé par des proches d'une victime, le texte demandait la peine de mort en cas d'assassinat en lien avec un abus sexuel.

Sans expliquer le retrait, le comité maintient que la peine de mort "telle que décrite dans le texte de l'initiative serait la solution à de nombreux points". Les initiants exigent de la justice un positionnement plus clair du côté des victimes. "C'est l'auteur du crime qui doit être puni, et non la victime ou les survivants", soulignent-ils dans une déclaration en sept points. "L'Etat de droit actuel est entièrement du côté du criminel", déplorent-ils.

"Les proches des victimes n'ont aucune possibilité de se défendre et sont réduits à un rôle de spectateurs aux procès", ajoutent-ils. De plus, les initiants qualifient l'initiative sur l'imprescriptibilité des crimes à caractère sexuel sur des enfants est qualifiée de grossière supercherie du fait de sa "non-application". Le comité interpelle les politiciens, qui doivent "remettre le système judiciaire du côté des victimes".

Dilemme

L'initiative populaire "peine de mort en cas d'assassinat en concours avec un abus sexuel" avait suscité un véritable tollé en Suisse. Mardi, la Chancellerie fédérale avait officiellement donné son aval à la récolte des 100'000 signatures nécessaires à l'aboutissement de l'initiative. Elle s'était prononcée uniquement sur les aspects formels.

Après les textes sur l'internement à vie des délinquants sexuels, l'interdiction des minarets et le renvoi des criminels étrangers, la Suisse se trouvait une fois de plus face au dilemme du respect parallèle des droits populaires, des droits fondamentaux et de ses engagements internationaux. Car si la peine de mort n'est pas contraire aux droits internationaux impératifs, elle contrevient par contre à la Convention européenne des droits de l'homme qui abolit explicitement la peine capitale.

En ratifiant en 1987 le protocole 6 et en 2002 le protocole 13 de cette convention, la Suisse s'est engagée à renoncer à la peine de mort en temps de paix comme de guerre. De fait, la peine capitale a été abolie dans le code pénal en 1942 et dans le code pénal militaire en 1992. La dernière exécution civile date de 1940 et celle appliquée par l'armée de 1944. En 1985, une initiative visant à réintroduire la peine de mort pour les dealers de drogue a été lancée. Elle n'a pas récolté assez de signatures pour aboutir.

Soulagement chez Amnesty

Fer de lance de la lutte contre la peine de mort, Amnesty International a exprimé son soulagement. "L'Assemblée fédérale ne se retrouvera pas dans la situation délicate de devoir invalider cette initiative", a souligné la porte-parole de la section suisse Manon Schick. "Ca va enterrer le débat pour quelques années encore", a-t-elle déclaré, ajoutant qu'elle espérait que personne ne reprenne le flambeau. Un débat qui doit se faire sur un autre plan, de façon plus "sereine", et non polémisé par une situation particulière.

Les questions soulevées par le comité d'initiative lors du retrait du texte portent plutôt sur le système judiciaire, note Manon Schick. "Elles peuvent tout à fait se poser, mais elles ont été complètement occultées par la question de la peine de mort", déplore-t-elle.

L'initiative disparaîtra d'elle-même

Pas besoin d'officialiser le retrait de l'initiative populaire pour la réintroduction de la peine de mort, selon la Chancellerie fédérale. L'initiative s'effacera d'elle-même, au plus tard après le délai de 18 mois imparti pour la récolte de signatures. Les initiants n'ont rien besoin de faire pour annuler l'initiative, a précisé mercredi le chef de de l'information de la Chancellerie, Hansruedi Moser.

Mais s'ils annoncent par écrit qu'ils retirent le texte, le dossier sera rayé. S'ils ne font rien, le délai continuera de courir jusqu'au 24 février 2012. Passé cette date, la Chancellerie communiquera dans la Feuille fédérale que l'initiative n'a pas été déposée dans les temps avec un nombre suffisant de signatures, a expliqué Hansruedi Moser.

ats/dk

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