Jamais la lutte suisse n’avait été aussi populaire qu’à Estavayer (FR) cet été. Une fête qui bat tous les records d’affluence. Un sport toujours plus médiatisé, où les sponsors sont toujours plus présent, où l’argent circule de plus en plus. Un sport toujours plus convoité également, et récupéré par les politiques, en particulier l’UDC de Christoph Blocher, qui rôde autour des ronds de sciure. Les lutteurs, eux, garants de la pureté du sport, sont toujours parvenus à échapper à l’instrumentalisation nationaliste.
Plus de 280'000 personnes se sont rendues à la fête fédérale de lutte à Estavayer en août. Des centaines de milliers d’autres suivaient les combats en direct à la télévision. Et à l’heure de savoir qui serait le roi de la lutte 2016, un téléspectateur sur deux regardait le combat en Suisse romande. C’est bien plus que pour les épreuves décisives des JO où des athlètes suisses briguaient des médailles. L’histoire d’un succès.
Il y a 20 ans, pour la plupart des Suisses, la lutte avait statut de sport ringard, réservé à des paysans à bretelles et cigare. Aujourd’hui, au contraire, la lutte apparaît comme un sport branché, mais encore pur, qui fascine autant en ville qu’à la campagne.
Les meilleurs lutteurs sont traités comme des stars, on les voit dans les pages sportives du Blick comme dans les pages people. Ils gagnent des millions. La lutte suisse est "bankable". Elle intéresse les politiques aussi, en particulier l’UDC, qui rôde en coulisse depuis 1995 déjà. Cette année-là, un certain Christoph Blocher réussit à profiler son parti et son entreprise sur cet évènement national majeur, dont l’UDC revendique les valeurs. A Estavayer, Christoph Blocher et ses amis sont encore là.
Alors faut-il voir dans le succès de la Fête fédérale un élan à dimension nationaliste ? La manifestation d’un patriotisme enfin décomplexé ? Ces questions n’occupent pas beaucoup les lutteurs romands, occupés à réussir dans un sport devenu tout aussi exigeant que n’importe quel autre. Entre pression des sponsors, médiatisation et tentatives de récupération politique, emportée dans les turbulences du succès, la lutte suisse doit se battre pour garder son âme.
Rediffusion le vendredi 21 octobre 2016 à 10h30 et le lundi 24 octobre 2016 à 15h35 sur RTS Deux.
Générique
Un reportage de Cédric Louis et Lison Meric
Image : Olivier Kunz Son : Patrick Ponci Montage : Véronique Rotelli