Avec la disparition programmée des ampoules à incandescence traditionnelles et de certaines ampoules halogènes, le consommateur moyen se voit obligé aujourd'hui de penser à sa lumière du futur. A sa disposition, pour l'instant, principalement des ampoules fluocompactes qui coûtent plus cher, mais consomment beaucoup moins et durent bien plus longtemps.
Ces ampoules qui disparaissent
L'Europe part en guerre contre les
ampoules à forte consommation. Nous avons demandé à Pierre-André
Magnin, de la plate-forme des cantons romands
énergie-environnement.ch, de nous faire un petit tour d'horizon des
prochains bouleversements de notre univers lumineux :
« La première échéance concerne les ampoules à incandescence de
100 W qui appartiennent à la catégorie énergétique E. Elles ne
seront plus en vente dès septembre 2010. D'ici 2012, toutes les
ampoules à incandescence devront avoir disparu. Il restera ensuite
les ampoules halogènes de classe C qui consomment 30% de moins que
les ampoules à incandescence, mais elles devront aussi disparaître
en 2016.
Certaines ampoules halogènes spéciales ou en classe B resteront,
mais l'avenir de l'ampoule, ce sera surtout les fluo compactes et
les LED. Elles appartiennent à la classe A et consomment jusqu'à 5
fois moins que nos ampoules actuelles. »
Les fluo compactes : les ampoules qui rayonnent
Peter Schlegel, un
ingénieur formé à l'Ecole Polytechnique de Zürich, a une spécialité
; la mesure des rayonnements chez les particuliers. Les antennes de
télécommunication, les bornes Wi-fi, les téléphones portables, les
radars: rien ne lui échappe. Et depuis quelque temps, une autre
source de rayonnement est venue s'ajouter à sa liste: l'ampoule
économique fluo compacte.
Anita a un hobby, la fabrication de bijoux de fantaisie. Elle
travaille souvent très près de sa lampe de travail. Elle a vécu une
expérience troublante. « J'ai remarqué que j'avais des vertiges et
des impressions étranges dans la tête comme chez le dentiste quand
il creuse une dent avec sa fraise, juste avant que ça fasse mal, en
fait, ça ne fait pas mal mais c'est une impression forte et
désagréable, très bizarre. »
Anita n'a pas découvert tout de suite la source de son mal. « J'ai
mis du temps à comprendre que cela venait des ampoules. La première
fois que j'ai remarqué le rapport, c'était dehors, j'étais allée à
Lucerne, dans un petit marché à l'extérieur. J'aime les bijoux et
il y avait un stand avec des bijoux, je suis allée voir, je suis
restée un moment debout à regarder et tout d'un coup j'ai éprouvé à
nouveau cette sensation bizarre que je viens de décrire. J'ai été
étonnée et me suis demandée ce que j'avais, j'ai regardé au-dessus
de moi et j'ai vu toute une rangée de lampes économiques. Et là,
j'ai compris que j'étais sensible à ces lampes. »
J'ai été chez mon médecin de
famille, la première chose qu'il a constatée, c'est que j'avais une
anémie, il a réglé ça, il m'a dit que c'était en ordre. Il m'a
envoyé chez l'ORL, qui a trouvé que j'entendais comme une jeune
femme de 20 ans, alors que j'ai... beaucoup plus de 20 ans !
Anita va mieux depuis qu'elle a éliminé toutes les ampoules fluo
compactes de son logis. Son histoire n'est pas unique. A la
rédaction d'A Bon Entendeur, nous avons reçu des dizaines de
messages de télespectateurs inquiets des rayonnements
électromagnétiques des ampoules économiques. Il faut dire que
depuis quelque temps, un petit film sur les champs magnétiques émis
par ces ampoules s'échange sur Internet. Il a été réalisé par Annie
Lobé, une journaliste française.
Nous avons voulu vérifier l'expérience d'Annie Lobé avec notre
spécialiste Peter Schlegel, mais sur les champs électriques
d'abord, tout aussi importants. Ecoutez ce que donne un simple
transistor radio réglé sur les ondes longues, c'est-à-dire, de 150
à 250 kiloherz. En présence d'une ampoule fluo compacte, la radio
produit un bourdonnement sourd. Mais si l'on renouvelle la même
expérience avec une ampoule à incandescence, la radio ne produit
aucun son.
Muni d'un analyseur de spectre, Peter Schlegel teste ensuite ces
mêmes deux ampoules. L'ampoule à incandescence n'a aucun effet sur
la courbe de son appareil. En revanche, le diagramme du même
appareil part en dents de scie lorsqu'il est disposé à proximité de
l'ampoule à basse consommation.
Troisième expérience, avec une
autre sonde qui mesure directement l'intensité du champ électrique.
L'ampoule classique n'émet aucun champ électrique. En revanche,
l'ampoule fluo compacte testée émet un champ de 20 Volts par mètre
(V/m) à 30 centimètres.
Fort du résultat de cette petite expérience, nous avons voulu
réaliser un test classique
d'A Bon Entendeur sur des ampoules du commerce et là, stupeur, il
n'existe pas aujourd'hui de méthode officielle pour mesurer ces
rayonnements sur des ampoules.
C'est finalement à Düsseldorf, en Allemagne, que nous avons trouvé
une solution. Wolfgang Maes, du laboratoire d'analyse de
l'environnement Maes, propose d'utiliser le standard de mesure
employé pour les écrans d'ordinateurs. « Quand on mesure les champs
électromagnétiques, l'électrosmog, on peut utiliser un standard
pour les ordinateurs qui s'appelle TCO : il s'agit d'une norme
suédoise qui permet de classer les écrans et les postes de travail
équipés d'ordinateurs en fonction de l'intensité de leurs émissions
électromagnétiques. »
« Nous appliquons cette norme TCO aux ampoules économiques parce
qu'il existe indiscutablement des analogies... Les champs
électriques aussi bien que les champs magnétiques des ampoules
économiques ont un comportement très semblable à ceux des écrans
d'ordinateurs, c'est la raison pour laquelle nous nous basons sur
la norme TCO pour définir, par exemple, la distance à respecter
pour mesurer ces rayonnements. Que cela soit pour les écrans ou
pour les ampoules cette distance est toujours de 30 cm minimum.
»
La norme TCO est désormais souvement utilisée pour mesurer les
ampoules en Europe, selon Wolfgang Maes. « La norme TCO est devenue
une sorte de mesure standard de ce type d'éclairage pour des revues
spécialisées de tests, comme K-Tipp en Suisse ou Ökotest en
Allemagne. Et ce sont toujours les normes TCO qui sont citées par
les autorités, par l'office fédéral allemand de la protection
contre les rayonnements, par les universités ; Elles sont désormais
appliqués comme une sorte de standard de référence pour ce type de
mesures. »
Wolfgang Maes a testé pour nous les rayonnements électriques et
magnétiques de 10 ampoules fluo compactes de 15 W trouvées dans le
commerce, auxquelles nous avons ajouté une ampoule halogène éco de
53 W et une ampoule à incandescence classique de 75W, ainsi que
deux ampoules LED de 2 et 5 W pour comparaison. Le test a été
effectué dans une pièce isolée des influences électromagnétiques
extérieures.
Et les résultats pour les champs électriques dans la bande de
fréquence de 2 à 400 kiloherz à 30 centimètres de l'ampoule sont
proprement renversants. Toutes les ampoules fluo compactes émettent
de 13 à 38 fois plus que la norme TCO pour un écran d'ordinateur
qui s'établit à 1V/M maximum.
Voici les résultats détaillés :
La OSRAM Duluxstar Mini globe, 13
V/m
La OSRAM Dulux Value Classic A, 15 V/m.
La Coop - Oecoplan Economy, 18 V/m.
La Coop - Qualité&Prix, 20
V/m
L'ampoule Casino et la Philips Tornado CDL865, 22 V/m.
La Samsung Pleomax Prime, 23
V/m.
La Go'On !, 26 V/m.
La Casino- ECO, 29 V/m.
La IKEA Model SU 115, 38 V/m.
Wolgang Maes juge l'ampoule IKEA comme la plus mauvaise du lot : «
Dans ce test, l'ampoule IKEA a obtenu, à cette distance, le plus
mauvais résultat en termes d'électrosmog, mais aussi en ce qui
concerne d'autres aspects, comme la qualité de la lumière et le
scintillement. »
Du côté des ampoules LED, leur
champ électrique dans cette bande de fréquence était proche de la
norme TCO, mais pas nul.
Quant à l'ampoule halogène et à
l'ampoule à incandescence classique, leur rayonnement était
nul.
Nous avons également mesuré les
champs magnétiques émis par toutes ces ampoules dans cette même
bande de fréquence à 30 centimètres de distance. Là, deux ampoules
seulement dépassaient la norme TCO (25 nT dans ce cas), il s'agit
de la OSRAM Miniglobe et de l'ampoule IKEA SU115.
Wolfgang Maes: A cela s'ajoute que les normes TCO satisfont
encore à un critère important ; elles comportent aussi une
évaluation biologique, c'est-à-dire qu'elles s'efforcent pour les
postes de travail équipés d'ordinateurs de maintenir les
rayonnements les plus faibles possibles selon le principe de
précaution pour éviter tout risque biologique. Et ce qui n'est pas
recommandé dans le monde entier pour un écran d'ordinateur ne
devrait pas être permis non plus pour une lampe énergétique !
Entretien avec Luc Mariot, journaliste d'ABE
Miroir, mon miroir, dis-moi qui est la plus LED : Visite avec
Serge Komaromi, StarsLED SA
Le futur s'appelle OLED
Bienvenue dans le monde surprenant des
OLED, en français les diodes électroluminescentes organiques. Les
OLED, ce ne sont plus des points de lumière, mais des surfaces
lumineuses complètes de moins de 2 mm d'épaisseur qui peuvent jouer
la transparence. Dans le futur, nos fenêtres seront peut-être aussi
des lampes OLED.
Kristin Knappstein, Directrice du développement commercial,
OLED-Philips, connaît bien ce type d'ampoules et nous en explique
le fonctionnement. « Les OLED appartiennent comme les LED à la
famille des sources de lumière à semi-conducteurs. Leur différence
réside d'abord dans les matières utilisées pour l'émission de la
lumière. Le « O » dans OLED veut dire « matières organiques »,
c'est-à-dire des composés de carbone et d'hydrogène.
Habituellement, quand on pense « lumière », on pense ampoules ou
points de lumière, on tente de former des faisceaux et on y met un
diffuseur par-dessus. Avec les OLED, nous avons une source
lumineuse qui est naturellement diffuse et qui émet donc de la
lumière de manière très douce sur une surface complète. Nous voyons
plutôt les OLED comme des quasi luminaires qui feront partie
intégrante des surfaces. Ce ne sera plus une chambre éclairée avec
des lampes, mais des surfaces lumineuses intégrées dans du bois, du
verre, dans toutes les surfaces qui vous entourent ».
Elle travaille dans la première usine d'OLED d'éclairage dans le
monde, à Aix-la-Chapelle, en Allemagne. Philips a dédié cette usine
à ces ampoules afin de « sortir cette technologie des laboratoires
et l'industrialiser très vite, pour comprendre comment lancer une
production mécanique et robotique de vrais produits de consommation
». Selon Kristin Knappstein : « une OLED, c'est un sandwich de
verre avec au milieu, très serré et bien protégé de l'oxygène, un
autre sandwich de deux électrodes, l'une transparente et l'autre en
aluminium. Et au centre de tout cela, vous avez la substance
organique qui émet la lumière. »
La production d'OLED c'est une
industrie de semi-conducteurs, de nanotechnologie. Les différentes
phases de production sont mécanisées. Elles se déroulent sous vide
et par moment à une température de plusieurs centaines de degrés.
On est aussi dans le monde de l'infiniment petit.... L'épaisseur du
substrat qui émet la lumière rapportée à l'épaisseur de la OLED
entière, c'est comme l'épaisseur d'un cheveu face à la Tour
Eiffel.
Pour le moment, seul des lumiblades, des OLED brutes, sont
disponibles sur le commerce, mais des luminaires et des
constructions lumineuses qui utilisent des OLED devraient
apparaître cette année.
Reste encore à augmenter les
surfaces et la durée de vie des OLED, plus courte aujourd'hui
encore que celle des LED, et de les rendre dans un futur proche non
seulement transparentes mais aussi flexibles, pour pouvoir habiller
de lumière des objets très divers.
Selon Kristin Knappstein, l'éclairage du futur fera appel à la
combinaison des LED et des OLED. « Les LED s'occuperont de
l'éclairage directionnel, parce qu'une lumière uniquement diffuse
n'est pas très inspirante. Vos yeux ont besoin d'orientation dans
la pièce. Donc les LED vont tenir le rôle dramatique, alors que la
partie diffuse sera tenue par les OLED, une lumière douce avec une
très belle couleur, un beau blanc chaud, par exemple. Le futur,
c'est vraiment une combinaison des deux. »