La sélection du Prix du public RTS 2016. [RTS - Marc Bertolazzi]
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Les six livres en lice pour le prix du public 2016

Après lecture de 54 livres et au terme de 6 séances et de longues délibérations sous la direction de Patrick Ferla, les cinq jurés ont choisi de retenir à l’unanimité les 6 ouvrages suivants.

L’Oeil de l’espadon

Arthur Brügger

Éditions Zoé

"A 24 ans, Charlie est apprenti-poissonnier au Grand Magasin. Son quotidien a l’aspect moiré des écailles: découpage, évidage, emballage et autres savantes manipulations de la marchandise, nettoyage méticuleux des tables de travail, et puis visites au grand frigo et à la gigantesque poubelle, café et cigarette des pauses avec ses collègues, enfin les clients, les anonymes et les habitués, les affreux et les charmants.

Mais Charlie ne veut plus de l’image que lui renvoient Natacha, son patron et les clients: celle d’un gentil, tellement gentil jeune homme. De son côté Emile, grand idéaliste, se trouve confronté, grâce à Charlie, à une réalité plus subtile qu’il ne la voudrait. Non, tous les employés du Grand Magasin ne sont pas des imbéciles englués dans la routine."

Plaine des héros

Yves Laplace

Éditions Fayard

"Crois-tu qu’on ne soit pas tout à fait égarés dans la durée, pas tout à fait séparés de nos morts ni tout à fait perdus pour eux? me demande Grégoire. Toutes les Lili. Toutes les Olga. Toutes les Alvina. Tous les Alexandre, tous les Sacha, tous les Nicolas. Casimir, Paul et Georges.

Tous sont mes héros. Tous sont tombés sur la plaine des héros ; sur ma plaine. Un seul est absolument tombé du côté des bourreaux : Georges Oltramare, mon oncle. Un seul est absolument tombé du côté des victimes : Casimir Oberfeld, mon père. Mais tous ont penché des deux côtés."

Cellulose

Guy Chevalley

Olivier Morattel Éditeur.

"Morlan, un commis de bureau, tout droit sorti d’un roman de Nicolas Gogol, un jour de panique hiérarchique, ingurgite un dossier que son chef lui réclame à grands cris, pour ne pas perdre la face.

Ce geste absurde va l'entraîner dans un engrenage de mensonges et d’actes de plus en plus inavouables. Lui qui ne veut rien d’autre que poursuivre son train-train quotidien dont il se délecte et passer ses week-ends, seul, à manger de la pizza en regardant des épisodes de la série Magnum."

Nouaison

Silvia Härri

Bernard Campiche Éditeur

"Tes doigts se prennent aux fleurs turquoise de ton chemisier, puis tu les glisses là où quelque chose pousse, affleurant doucement. De la paume, tu caresses ce qui frémit, éclat de vie sans nom encore, aux contours incertains, pulsation souterraine. Mais elles sont toujours là, les blouses. Dans les couloirs, dans l'ascenseur, plus nombreuses que dans les cauchemars. Elles te guettent encore, tapies derrière la porte qui se referme dans un claquement sec.

Franchir le seuil de la pièce, un voeu noué au creux du ventre, silencieux et lancinant. Tu es prise au piège des vapeurs de désinfectant, des serres métalliques du lit, de ce blanc, vautour qui rôde et souille l'univers. Sauf toi et moi, pries-tu tout bas. Que les rapaces se muent en colibris, que les murs de cette salle où tu attends (quoi, au juste ?) s'écartent pour laisser au moins une infime ouverture."

Un lieu sans raison

Anne-Claire Decorvet

Bernard Campiche Editeur

"Que reste-t-il en effet d'une vie après son passage? Un nom prononcé toujours plus bas, dans la honte ou la fierté, parfois les regrets, le plus souvent dans l'indifférence absolue des humains les uns pour les autres. Une pierre tombale qui s'effrite, une inscription qui s'efface, et pour Marguerite, quelques tableaux brodés dans le tiroir d'un musée ou chez des particuliers. Mais surtout sa robe, cette vêture d'un corps absent!

Dans le clair-obscur d'un musée, sa robe de mariée emprisonnée dans un carcan de verre et qui n'aura jamais revêtu qu'un mannequin de satin sans tête, abandonnée au rayon des rêves oubliés, la trace hésitante et sans raison de ses doigts de fée et d'un esprit fracassé."

L’homme qui avait deux yeux

Matthias Zschokke

Éditions Zoé.

"L’homme qui avait deux yeux se distingue à peine des autres, visage, cheveux, vêtements et mallette couleur sable. Il perd sa femme, son chat, son travail de chroniqueur judiciaire, son appartement dans la capitale. A cinquante-six ans, il s’en va à Harenberg, une petite ville de province dont la femme avec qui il vivait lui a recommandé les bienfaits.

Tout au long de sa lente marche vers la grisaille, le dénuement et la mort possible ou souhaitée, ses souvenirs lui apparaissent, aussi attendrissants que fâcheux, ses révoltes éclatent dans des formulations caustiques, mais son corps a encore besoin de chaleur."