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L'alimentation bio sous la loupe d'une experte

Lors des achats, pas facile de s'y retrouver parmi le large choix de produits proposés. [Fotolia - eldarnurkovic]
Lors des achats, pas facile de s'y retrouver parmi le large choix de produits proposés [image d'illustration]. - [Fotolia - eldarnurkovic]
Laurence Margot est diététicienne aux Ligues de la santé et référente en alimentation. Elle répond aux questions que nous nous posons autour de l'alimentation bio.

Est-ce que manger bio signifie forcément manger équilibré ?

Non, pas forcément. La qualité nutritionnelle d’une alimentation n’est pas seulement tributaire du bio. Par exemple, un biscuit bio peut être bourré de graisses de palme bio, de sucre de canne bio et de sel.

Est-il utile de manger à moitié bio ?

C'est déjà cela. Mais lorsque je donne des conseils, je privilégie d’abord l’équilibre alimentaire, le fait de manger varié et de tous les groupes d’aliments. J’insiste sur le local et de saison. Si c’est bio, c'est un plus. Certains bénéfices du bio sont encore à démontrer, mais ce dont on est sûr, c’est que des aliments cueillis à maturité et consommés le plus rapidement possible garantissent les meilleurs nutriments. Il ne faudrait pas que les gens renoncent à manger des fruits et des légumes parce qu’ils pensent qu’ils ne doivent manger que du bio. Celui-ci étant plus cher, tous n’en ont pas les moyens.

Les vertus de l’agriculture biologique sont difficiles à évaluer. Comment expliquer cela ?

Car plusieurs facteurs complexes entrent dans l’analyse de ces bienfaits. Ce problème existe également dans l’agriculture conventionnelle. On entend dire parfois que tant que les pesticides des végétaux de l’agriculture conventionnelle restent dans les valeurs autorisées, ils ne sont pas nocifs. Cela ne tient pas compte de l’effet cocktail, soit le cumul de différents pesticides, pourtant présents en petites quantités. Il faut par conséquent se méfier de la non toxicité du non bio.

Et que penser de cette incertitude scientifique ?

Souvent, des intérêts financiers se cachent derrière les études publiées. Par ailleurs, beaucoup de facteurs sont aussi à prendre en compte, notamment l’impact écologique, pour évaluer les bénéfices dans leur ensemble.

La nourriture issue de l’agriculture biologique serait plus riche en vitamines et minéraux. Une personne qui mange bio doit-elle donc calculer différemment ses apports ?

Une récente étude a montré que certains antioxydants (polyphénols, flavonoïdes) sont plus élevés dans les produits bio que dans ceux non-bio, et que la teneur en pesticides est inférieure. C’est la première fois qu’une telle différence est étayée. Cependant, cela ne justifie pas une réadaptation des quantités quotidiennes recommandées.

Avec toutes ces injonctions contradictoires, comment alors se nourrir au mieux ?

Il est difficile d’arriver à suivre toutes les recommandations. Varier les aliments, je dis même parfois « varier les poisons », permet de couvrir les différents besoins nutritionnels. Puis privilégier les aliments régionaux et de saison.

Quelles sont les autres influences de notre mode de vie sur la santé ?

Les déterminants de la santé sont multiples. Par exemple, manger une nourriture plaisante en quantité suffisante pour satisfaire sa faim, permet d’avoir une alimentation suffisante sans être excessive. La pratique d’un sport, le fait de ne pas fumer contribuent évidemment à nous maintenir en bonne santé. Mais attention aux représentations qui circulent parfois. Avoir son propre jardin peut sembler très sain, mais si on ignore comment doser les pesticides qu’on y ajoute, ça ne sera pas bénéfique.

Y a-t-il une différence entre le bio produit pour les grandes surfaces et celui des petits producteurs ?

C’est avant tout le Cahier des charges du label qui fait la différence, plus que la quantité produite. Certains grands distributeurs privilégient aussi le circuit court, comme chez le petit producteur, pour limiter les pertes.

Le bio est-il une thématique à l’agenda pour la santé publique ?

Actuellement, nous travaillons sur le développement durable de manière générale. Le bio en fait partie, mais il n’y a pas que cela. Rien ne sert de consommer des légumes bio si on mange beaucoup et souvent de la viande et du poisson, qui plus est acheminés depuis un endroit éloigné. Je recommande donc d’abord certains types d’aliments, puis les labels correspondants. S’il y a du bio, c’est un bonus.

A l’inverse, pourrait-on imaginer qu’un besoin d’éducation apparaisse, au vu des nombreuses questions que soulèvent l’agriculture bio et de la complexité de la question ?

J’espère qu’une clarification va se faire parmi tous les labels existants. Ça commence déjà avec leur critérisation. Cela est nécessaire pour savoir quel Cahier des charges se cache derrière quel aliment labellisé.

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