La biodiversité confère de la résilience aux écosystèmes.

Dans un écosystème riche en biodiversité à tous les niveaux possibles, qu’il s’agisse des gènes, des espèces ou de leurs caractéristiques, il y a de la résilience face aux dérèglements. Le système continue à fonctionner, même lorsque nous, les humains, le mettons sous pression. Cette mise sous pression peut résulter de la pollution, de la destruction d’habitats, du changement climatique, ou d’autres facteurs. Un écosystème qui perd de sa biodiversité perd aussi peu à peu de sa résilience. Dès lors l’extinction des espèces constitue un miroir grossissant pour ce qui est de l’impact de l’Homme sur les écosystèmes.

À partir d’un certain point, un système qui a perdu sa résilience va s’effondrer: un point de basculement a été atteint. On a l’impression que les points de basculement arrivent sans prévenir, mais ils ne sont pas vraiment inopinés: on peut les voir venir. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Un point de basculement constitue une transition non-linéaire vers un autre état d’équilibre. Et il s’agit souvent d’un état dysfonctionnel, contrairement au précédent. On peut voir ce type de transition dans les écosystèmes, par exemple au Sahara: la forêt est devenue un désert, après une déforestation lente et continue, lorsqu’un point critique a été atteint et que les précipitations ont cessé. Il en va de même pour la bourse (marchés à la hausse contre marchés à la baisse), ou même notre propre santé (crises de migraine).

Le problème, c’est qu’un état déréglé est lui-même résilient et va résister aux efforts pour remettre la nature dans l’état fonctionnel où elle se trouvait auparavant. Dès lors il vaut beaucoup mieux agir avant le point de basculement, quand la résilience travaille avec nous, plutôt que de le faire après la transition, quand elle travaille contre nous. De plus, l’état dysfonctionnel succédant à la transition ne permettra plus de fournir à la société d’importants services écosystèmiques. Prenons par exemple le Lac Léman: il nous procure de l’eau potable, de l’eau pour l’irrigation, de l’eau pour nos loisirs, etc. Mais cela n’est possible que parce que le lac se trouve dans un état satisfaisant, suite aux mesures de préservation prises à partir des années 1970.

Encore une mise en garde, pour conclure: jusqu’ici je n’ai évoqué la perte de biodiversité et de résilience, avec le risque représenté par les points de basculement, que pour des écosystèmes pris séparément (forêts, lacs, etc.). Mais en réalité tous ces systèmes n’évoluent pas de façon isolée. Le risque principal est que les êtres humains, en tant qu’espèce, conduisent notre monde à un point de basculement planétaire. Nous serions alors confrontés à une transition non-linéaire vers un futur imprévisible.