Cher Tibo, quelle bonne question tu poses là!

Et la réponse est définitivement oui. Et pas seulement pour les groupes sanguins, mais pour plein d’autres molécules que notre organisme fabrique.

Mais concentrons-nous sur les groupes sanguins: ceux-ci agissent comme des signes de reconnaissance à la surface de cellules du sang (les globules rouges), comme des petits drapeaux en quelque sorte. Ils permettent à l’organisme de reconnaître justement quelles cellules sont à lui, et quelles cellules sont étrangères (viennent de l’extérieur).

Or, ces petits drapeaux existent, chez les humains, sous plusieurs formes. Par exemple, pour les groupes sanguins AB0, il y a la forme A, la forme B, ou l’absence de drapeau, notée 0. Donc, une personne peut avoir un groupe sanguin A, et tous ses drapeaux sur ses globules rouges sont de la forme A. Une autre personne peut avoir un groupe sanguin B, et tous ses drapeaux sur ses globules rouges sont de la forme B. Une autre personne encore peut avoir un groupe sanguin AB, et dans ce cas elle aura des drapeaux A et B sur ses globules rouges. Et enfin, un individu peut aussi être de groupe sanguin 0, auquel cas il n’y aura pas de drapeau sur ses globules rouges.

Et toi, sais-tu quel est ton groupe sanguin AB0 ?

Maintenant, si tu comptes, dans une population, combien de gens sont A, combien sont B, combien sont AB et combien sont 0, tu vas obtenir les fréquences des groupes A, B, AB et 0.

Des chercheurs ont fait ce type de calculs depuis fort longtemps, et se sont ainsi aperçus que certains groupes sanguins étaient plus fréquents dans certaines populations et plus rares dans d’autres. Par exemple le groupe sanguin A est plutôt rare en Afrique de l’est et plutôt fréquent en Europe de l’ouest, le groupe sanguin B est très fréquent en Inde, beaucoup moins en Europe, et le groupe sanguin 0 est relativement peu fréquent en Asie du nord-ouest, mais très fréquent en Amérique du sud (il y a de jolies cartes à regarder ici).

Mais pour revenir à ta question (après cette longue introduction!), on sait que les différences de fréquences entre régions et populations sont le résultat de l’évolution de notre espèce, l’humain. Plus précisément l’histoire des migrations humaines qui ont conduit nos ancêtres, à partir d’une origine quelque part en Afrique, à coloniser notre planète entière. On pense que nos ancêtres les plus lointains avaient les quatre groupes sanguins, mais, en migrant d’une région à l’autre et d’un continent à l’autre, certains groupes sanguins sont devenus plus fréquents, et d’autres, évidemment, plus rares.

Pour comprendre ces variations de fréquences, je te propose de penser à un sac de billes de cinq couleurs différentes que tu amènerais à l’école. Un copain t’en demande quelques-unes. Tu pêches une poignée de billes dans ton sac et, par hasard, cette poignée que tu donnes à ton copain ne contient que des billes rouges, jaunes et vertes (car tu ne lui as pas donné toutes tes billes!). Surtout des jaunes et des vertes en fait, car les rouges sont rares dans son lot de billes, et les autres couleurs ont carrément disparu. Et puis, un copain de ton copain voit ces billes de trois couleurs, et lui en demande quelques-unes. Ton copain divise son tas de billes en deux, et en donne un à son copain, qui s’aperçoit qu’il n’a reçu que des billes jaunes et vertes (car ton copain ne lui a pas donné toutes ses billes!). Bref, à mesure que le sac de billes est divisé, certaines couleurs deviennent plus rares et, évidemment, d’autres plus fréquentes. Les ancêtres humains qui ont migré sur tous les continents ont fait la même chose, en quelque sorte, que les billes. Les petits groupes qui partaient coloniser de nouveaux espaces n’emmenaient pas forcément toutes les billes... pardon, tous les groupes sanguins!

Donc oui, la rareté des groupes sanguins a un rapport avec l'évolution de l'humain.