(Pour la réponse à la première partie de la question, voir les questions précédentes)

L’étude du rêve est un des thèmes les plus fascinants mais aussi les plus complexes et intrigants pour notre science moderne. Aujourd’hui, nous n’avons pas de réponse définitive à la question « à quoi sert le rêve ? ». Malgré les développements récents majeurs technologiques qui nous ont apporté des méthodes pour étudier et visualiser le fonctionnement du cerveau, nous ne savons pas si le rêve est une fonction indispensable pour le bon fonctionnement cérébral.

Alors que nous n’avons pas de réponse unique à la question de la fonction du rêve, de nombreuses hypothèses provenant de différents champs de recherche se font concurrence. En effet, il existe différents types d’investigation des mécanismes oniriques. Ces approches incluent entre autres la psychanalyse, la psychiatrie, la psychologie cognitive, la neuropsychologie et la neurologie ; chacune de ces approches apporte son hypothèse propre concernant la fonction du rêve. Toute hypothèse scientifique sur le rêve doit être testé expérimentalement. Or, il faut bien l’avouer, les données empiriques sur une hypothétique fonction du rêve restent bien maigres.

Rêver est une activité mentale qui s’accompagne d’expériences subjectives et qui a lieu pendant le sommeil (plus abondamment pendant la phase du sommeil appelée sommeil paradoxal et durant laquelle le cerveau est très actif). Les mécanismes qui sous-tendent le rêve diffèrent quelque peu des perceptions habituelles que nous avons pendant l’éveil : les expériences les plus banales comme les plus extraordinaires que nous vivons en rêves ne proviennent pas directement du monde extérieur que nous traitons par nos organes sensoriels et qui forment nos perceptions à l’éveil. Non, les rêves sont produits par notre esprit ou notre cerveau isolé du monde extérieur. Les rêves sont créés à partir des éléments que notre cerveau a enregistrés en mémoire et qu’il recompose en une nouvelle réalité pour le dormeur.

Quelle fonction indispensable pour l’organisme le rêve remplit-il?

Pour les psychanalystes, le rêve est un moyen d’accéder à l’inconscient. En particulier, le rêve servirait à découvrir et réguler les désirs et les peurs/frustrations de l'individu. Le rêve remplirait ainsi une fonction psychologique importante dont l’impact sur le fonctionnement physiologique pourrait également s’avérer significatif.

Pour les neurophysiologistes, partant de l’hypothèse que le rêve a lieu principalement pendant le sommeil paradoxal, l’état de rêve pourrait autoriser le repos de diverses fonctions du système nerveux comme la motricité ou l'attention, tout en maintenant le cerveau dans un état d’« éveil » partiel. Ceci permettrait à l'animal endormi de rester prêt à réagir rapidement en cas de danger. Cette fonction du rêve a été nommée par Frederick Snyder l’hypothèse du « rêve sentinelle ».

Pour Michel Jouvet, le grand neurophysiologiste et chercheur français dans le domaine du sommeil, le sommeil paradoxal et le rêve auraient une fonction de maintenir actif notre bagage héréditaire, notamment le répertoire des comportements innés. Ce mécanisme permettrait à certains aspects de l'hérédité psychologique (qui sont parfois mis en évidence de façon spectaculaire chez des jumeaux homozygotes élevés dans des milieux différents) de persister pendant toute une vie. L'activité neuronale spécifique du sommeil paradoxal déclencherait chaque nuit un répertoire de comportements oniriques (qui peuvent être dévoilés expérimentalement) qui sont spécifiques à chaque individu et à son programme génétique. Le rêve serait ainsi le « gardien de l'individuation psychologique ».

Une hypothèse plus récente et très prometteuse est que le rêve pourrait contribuer à améliorer la mémoire. Crick (un des inventeurs de l’hélice d’ADN) et Mitchison ont proposé une hypothèse selon laquelle nous rêvons pour éliminer les pensées « parasites ». Autrement dit, ce dont nous rêvons est destiné à aller à la « poubelle ». Le rêve remplit ainsi une fonction d’oubli, favorisant le tri et élimination de l’information non pertinentes. Ne pas rêver pourrait aggraver des maladies mentales, mais ceci n’a pas été prouvé.

Le sommeil peut en effet directement facilite la consolidation en mémoire. De nombreux travaux empiriques récents le prouvent. Il est donc possible que nous rêvions pour réactiver des éléments importants pour la mémoire. Des études récentes d’imagerie cérébrale, notamment par l’équipe de Pierre Maquet en Belgique, ont récemment démontré que les régions du cerveau qui ont été activées pendant l’éveil lors d’une tâche particulière (par exemple apprendre à jouer du piano) se réactivent spontanément pendant le sommeil, la nuit qui suit la tâche. Ces mêmes régions pourraient être impliquées dans la réactivation de matériel nouveau en mémoire, ainsi que dans la fabrication des rêves concomitants. Cette hypothèse récente ouvre la voie à de nouveaux travaux dans le domaine du sommeil et des rêves, et offre de nouvelles perspectives pour comprendre l’utilité des réactivations de processus mentaux pendant le rêve.

En conclusion, comme nous passons plusieurs années de notre vie rêver, il n’est pas étonnant que cette activité de notre cerveau et de notre esprit pendant le sommeil puisse revêtir plusieurs fonctions importantes, simultanément.