Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre de manière catégorique.

Qu'entend t'on par "modèles multimédia animés et interactifs"? Un "modèle multimédia" est un objet informatique virtuel, dont l'observation fait appel à plus d'un médium de communication avec l'utilisateur; les sens humains mis en œuvre seront par exemple la vision et l'audition. Les techniques d'imagerie numérique permettent de créer des environnements virtuels dans lesquels évoluent de tels objets synthétiques, qui peuvent d'ailleurs être complétés par des images réelles et des vidéos. Un des buts principaux de ces environnements est bien de générer des images mentales chez l'utilisateur.

L'interactivité vient en complément, et permet à l'utilisateur ou l'utilisatrice de contrôler ce qui se passe dans l'environnement virtuel. Là, d'autres sens entrent en action. Les systèmes interactifs peuvent réagir à des mouvements humains (action sur une manette ou un clavier, mouvement de la tête et des membres, clignement de l'œil), ainsi qu'à des commandes vocales. Ces commandes sont enregistrées par une ou plusieurs caméras et micros, et analysées par des techniques d'analyse d'images et de la voix. Finalement, de la même façon que le système peut recevoir des commandes de l'utilisateur, il doit aussi pouvoir communiquer avec celui-ci pour réaliser une véritable interaction. Ceci se fait par les mêmes sens: la vision, l'ouïe, l'haptique (le toucher et les phénomènes kinesthésiques, c'est-à-dire la perception du corps dans son environnement).

On commence même à voir apparaître des systèmes permettant de commander une application par le cerveau ("BCI - brain-computer interaction"). Cela se fait en captant les électro-encéphalogrammes d'une personne grâce à des mini capteurs posés sur la tête. On ne peut bien sûr pas lire la pensée de quelqu'un; il est simplement possible de reconnaître quelques "tâches mentales" (de deux à quatre) à laquelle pense une personne et que le système aura dû préalablement apprendre à reconnaître. Ces tâches mentales consistent à imaginer quelque chose, comme le mouvement d'un membre, l'écoute d'une chanson, ou encore une image ou une musique particulière. Le système informatique peut reconnaître à quelle tâche mentale la personne a pensé, ce qui permet de générer des commandes (quatre commandes s'il y a quatre tâches mentales). Si le but est de commander le mouvement d'un objet virtuel, le fait de penser à une musique le fera par exemple avancer, le fait de visualiser une image le fera stopper, etc. Il faut noter que l'interaction avec le cerveau est un domaine de recherche très actif; il n'est actuellement pas possible d'émettre de façon fiable plus d' une dizaine de commandes par minute environ.

Une interaction qui fait appel à plusieurs sens est appelée "interaction multimodale". Le développement des techniques d'interaction multimodale est un domaine en plein essor; un défi actuel étant de permettre l'utilisation simultanée de canaux de communication humain-machine très différents les uns des autres. Par exemple, on pourrait imaginer interagir avec le clavier, la voix, des mouvements de la tête et en complément de tout cela être capable d'émettre quelques ordres par la pensée. Une autre tendance est le développement d'environnements multimédia "immersifs", dans lesquels on se croit "plongé". Tout ceci conduit à la création de systèmes permettant l'interaction multimodale avec des environnements multimédia immersifs.

Pour en revenir à la question de départ, de tels systèmes, avec ou sans immersion ont souvent pour but de générer des images mentales chez l'utilisateur. Il est cependant difficile d'évaluer objectivement, autrement que par des interviews et compte-rendus d'expériences, la "force" de ces images mentales. On ne peut donc pas être catégorique quant à la nocivité ou aux bénéfices de tels systèmes.

Ce genre d'environnement se rencontre dans de nombreux domaines. Le jeu vient tout de suite à l'esprit. Même une animation simple telle que l'on en rencontre dans des jeux de plateforme génère une imagerie mentale intense. C'est aussi le cas avec des environnements virtuels tels "Second life", où l'on se représente soi-même par des avatars. Un des facteurs de succès d'un jeu est sa capacité à créer une situation de "flot", visant à stimuler l'utilisateur juste assez pour qu'il soit captivé, mais pas trop pour ne pas qu'il se sente impuissant. On peut supposer que la qualité et le réalisme accrus des animations virtuelles aident à créer des images mentales plus riches, mais cela n'est pas démontré.

D'autres domaines d'application sont la robotique et la médecine, où il est possible de simuler des opérations, voire de télé-manipuler des instruments. Dans de tels cas, l'imagerie mentale se limite probablement à une "visualisation intérieure" des instruments et objets manipulés, sans impliquer de situation de "flot". On peut encore citer l'apprentissage, par exemple de la conduite. Il y a enfin le domaine de la réhabilitation, par exemple pour stimuler les facultés cognitives de personnes souffrant de troubles mentaux (Alzheimer, autisme, etc.).

Opportunités ou risques? Certainement les deux.

Du côté des opportunités, on retrouve les exemples d'applications mentionnés ci-dessus. Les modèles multimédia animés, l'interaction multimodale, sont sans aucun doute un apport. Il est cependant difficile de quantifier cet apport. Est-ce qu'un joueur est vraiment plus "engagé", "impliqué" avec un jeu en réalité virtuelle et des capteurs de mouvement, qu'avec un simple jeu de plateforme tels ceux que l'on trouvait sur les premiers Gameboy? Est-ce qu'une personne qui présente des troubles de la mémoire sera mieux stimulée avec des modèles animés qu'avec une conversation menée par un proche?

Quant aux risques, ils sont réels. Les reportages montrant des joueurs "accrochés" à des jeux en réseau au point d'y passer des dizaines d'heures sont connus de tous. Les environnements virtuels deviennent de plus en plus réalistes, au point que l'on peut confondre la réalité et l'illusion. Il existe des consultations thérapeutiques pour aider les gens présentant une addiction au jeu. De manière plus générale, dès que l'on touche à des technologies permettant de prendre le contrôle mental d'un individu, le danger guette. Cependant, beaucoup de reportages montrant les dangers restent malgré tout anecdotiques. De la même façon que les points positifs restent souvent à démontrer scientifiquement, les aspects négatifs, les risques, et surtout les mécanismes internes à l'humain qui conduisent à ces risques, doivent être compris et analysés objectivement. Il y a là un grand défi pour les neurosciences.

Alors, que conclure? Toute nouvelle technologie suscite des craintes et des espoirs. Il faut faire la preuve de son innocuité ou en tout cas comprendre ses limites pour mieux éviter les dérives. C'est le rôle des chercheurs, dans des domaines aussi divers que les neurosciences, la psychologie et la psychiatrie, l'informatique et les sciences de l'ingénieur, l'éthique et la médecine, de comprendre ce qui se passe vraiment lorsque l'on s'assied devant un écran et que l'on commence à jouer.

Et si la réalité, même virtuelle, peut nous aider à rêver, tout n'est pas si négatif.