Tout d’abord, la grande taille ne caractérise pas les dinosaures. Il y avait des dinosaures de la taille d’un pigeon (comme l’Epidexipteryx) et des dinosaures de très grande taille (comme le Diplodocus). C’est justement dans la famille de ce dernier, les sauropodes (ou dinosaures "à long cou"), qu’on retrouve les plus grandes tailles (jusqu’à une cinquantaine de mètres de long).

Comment expliquer un tel gigantisme? La réponse n’est pas aisée car elle fait intervenir plusieurs facteurs physiologiques. Depuis quelques années, une équipe allemande, menée par le Prof. Martin Sander de l’université de Bonn,  travaille sur ce sujet et a déjà apporté des éléments de réponse.

De manière globale, tous les géants sont des herbivores (même chez les mammifères actuels ou passés): il y aurait donc une relation taille-énergie. Les dinosaures sauropodes devaient être capables de convertir plus d’énergie à partir de ce qu’ils ingéraient.

Quatre facteurs seraient essentiels pour arriver au gigantisme:

Un métabolisme élevé: les sauropodes avaient un taux de croissance très élevé, du même ordre que  chez les mammifères de grande taille (contrairement aux reptiles à sang froid, qui grandissent plus lentement). Ce type de métabolisme de type "sang chaud" nécessitait une grande quantité de nourriture, mais générait aussi une grande quantité d’énergie dans le corps à évacuer (chez les éléphants, leurs grandes oreilles leur permettent d’évacuer le trop plein de chaleur). Cette croissance rapide permettait aussi d’atteindre plus vite la maturité sexuelle et, donc, de renouveler la population.La progéniture: chez les mammifères actuels, plus l’animal est grand, moins il a de petits par portée, ce qui n’est pas le cas chez les tortues, les crocodiles ou les oiseaux actuels, ainsi que chez les dinosaures, qui pondaient beaucoup d’œufs de taille relativement petite (comparée aux adultes). Les pertes de petits devaient toutefois être énormes. Au final, les dinosaures adultes étaient peu nombreux et très grands. Cette faible densité de population était indispensable pour que les ressources soient suffisantes pour permettre à un individu de grandir.La non-mastication: la mastication est une spécificité qui a évolué indépendamment chez les mammifères (dont nous faisons partie) et chez certains dinosaures ornithopodes (comme les familles des cératopsiens et des hadrosaures qui possèdent de nombreuses rangées de dents, appelées batteries dentaires). Chez ces "masticateurs", plus on est grand, plus la tête est disproportionnément grande. Et qui dit grosse tête, avec de gros muscles masticatoires et de grandes dents, dit petit cou.

En revanche, les dinosaures sauropodes ne pouvaient pas mastiquer (leurs dents n’étaient pas adaptées et ils n’avaient vraisemblablement pas de muscles masticatoires). Cette "stratégie" va de pair avec sa petite tête et son très long cou, ce dernier permettant de se nourrir sans trop avoir à se déplacer (et donc sans dépenser trop d’énergie). La digestion était vraisemblablement orchestrée par la fermentation des plantes qui ont été arrachées ou croquées (mais pas mâchées).

Un système respiratoire de type "oiseau" (aviaire): les vertèbres des dinosaures sauropodes (et aussi des dinosaures théropodes) sont, étonnamment, pleines de "trous", appelés pleurocœles, plus ou moins complexes. Ces cavités se retrouvent chez les oiseaux actuels et sont remplies par des sacs aériens permettant la respiration continue, mais aussi l’allègement du squelette. Ce système respiratoire a permis aux dinosaures sauropodes de faire d’énormes économies d’énergie et de "s’équiper" d’un long cou. Il permet aussi de résoudre le problème de "surchauffe" grâce au système de refroidissement de la respiration, comme chez les oiseaux actuels.

La combinaison de ces caractéristiques primitives (les œufs, la non-mastication) et des nouveautés évolutives (le métabolisme élevé et le système de respiration de type oiseau) aurait permis le gigantisme chez les dinosaures sauropodes.

Les variations climatiques (température moyenne de la Terre, taux d’oxygène dans l’air) au cours de l’époque des dinosaures ne semblent pas suivre les variations de taille chez les dinosaures et, donc, n’auraient pas ou peu d’impact sur le gigantisme.

La question est loin d’être résolue, et il existe probablement d’autres facteurs (encore à découvrir) intervenant dans ce gigantisme. Ce gigantisme soulève aussi d’autres questions non résolues (par exemple, il y a peu d’éléments de réponse concernant l’acheminement du sang vers le cerveau).