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Éthique et peine de mort

États-Unis: manifestation contre la peine de mort
États-Unis: manifestation contre la peine de mort
La peine de mort est généralement infligée pour violation des droits fondamentaux de l'être humain, à savoir le droit à la vie et celui de ne pas subir un châtiment cruel, inhumain ou dégradant. Mais n'est-elle pas en contradiction avec ces mêmes droits?

Un crime pour punir un crime?
«La réponse à une violation des droits humains ne devrait pas être une autre violation des droits humains», précisent des associations de familles de victimes américaines. La violation des droits humains est inhérente à la peine de mort. Cette violation a trait tant aux conditions de détention qu'à la peine en elle-même.

En ce qui concerne les conditions de détention, dans les pays où l'on peut les connaître, comme aux États-Unis par exemple, elles ne sont pas conformes aux droits humains. En effet, dans ce pays, jusqu'à 11 ans peuvent s'écouler entre le jugement et l'exécution de la sentence. Pendant ces années, les condamnés à mort sont en isolement quasi total (23h/24) dans le couloir de la mort. Beaucoup développent des symptômes de dépression ou de folie. L'essentiel pour l'État est de les garder vivants jusqu'à l'exécution de leur peine. C'est ainsi que le plus vieux condamné à mort est décédé de mort naturelle le 15 février 2010 à l'âge de 94 ans, 26 ans après sa condamnation.

Effet dissuasif
La peine de mort pose d'autres problèmes. Son effet dissuasif ne peut être clairement démontré, d'autant qu'elle n'est la plupart du temps pas effectuée en public. Son caractère irrévocable implique qu'elle ne devrait pas résulter d'erreurs judiciaires ou être discriminatoire. Or, on sait que nombre d'innocents ont été condamnés et exécutés suite à des aveux parfois extorqués, à des discriminations raciales et à des inégalités de traitement face à la justice. L'utilisation de l'ADN a permis d'innocenter, parfois trop tard, nombre de condamnés à mort.

Se pose également le problème de l'effet de «brutalisation». On a longtemps pensé qu'il existait une relation directe et linéaire entre une peine et son effet dissuasif: Dans ce cas, plus la peine est sévère, plus elle dissuade de potentiels criminels. Mais il ne semble pas que ce soit le cas. Lorsqu'on quitte le domaine de la petite criminalité de masse, on observe que les peines extrêmes n'intimident pas forcément davantage que des peines plus douces. Au contraire même, certaines recherches ont permis d'observer que, lorsque l'État procède lui-même à des exécutions capitales, il désinhibe les citoyens en les confortant dans l'idée que la violence est une manière adéquate de résoudre les conflits, augmentant ainsi le nombre de crimes violents.

L'exemple californien
Il y aurait donc prévention générale au bas de l'échelle des sanctions et «brutalisation», c'est-à-dire encouragement au crime, en haut de l'échelle. La question reste toutefois ouverte en criminologie de savoir à quel moment la sévérité des peines passe de la dissuasion à l'encouragement au crime. Dans ce contexte, une étude publiée en octobre 2008 montre qu'en Californie les groupes d'âge que l'on envoie de plus en plus en prison voient leur taux de criminalité augmenter, alors que ceux que l'on envoie de moins en moins en prison voient leur taux de criminalité baisser.

Agathe Charvet, collaboratrice scientifique du Triangle Azur;

Ludivine Ferreira, doctorante au département de droit pénal de l'Université de Neuchâtel;

Pr. André Kuhn, faculté de droit et de sciences criminelles de l'Université de Lausanne.

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