L’attribution du crime de sorcellerie aux femmes, en majorité, tient à deux facteurs principaux.

Le premier d’entre eux se rapporte à la présence dominante d’un discours très misogyne et négatif émanant des clercs et hommes d’Eglise durant tout le Moyen Age à l’encontre des femmes: celles-ci sont perçues comme plus faibles et plus fragiles que les hommes, tant physiquement que moralement, et sont plus enclines aux péchés, à l’image d’Eve, la première femme, qui aurait péché pour avoir succombé aux tentations du diable. La sorcière, croit-on, tient ses pouvoirs du diable avec lequel elle a conclu un pacte d’alliance; elle aurait été détournée du bon chemin et séduite par les tromperies des démons. L’auteur d’un redoutable "Manuel contre les sorcières" (Le marteau des sorcières, 1486) explique (de manière bien sûr erronée…) d’ailleurs que le mot de femina vient de fe- et -minus: les femmes auraient moins de foi et de morale que les hommes, raison pour laquelle elles cèdent facilement au diable pour exercer la sorcellerie et "folâtrer avec les démons"!

Le deuxième facteur tient au fait que les femmes du Moyen Age et de l’Ancien Régime sont confinées dans l’espace privé de la famille, de l’éducation des enfants, de la cuisine, des animaux domestiques, etc. C’est leur sphère d’exercice du pouvoir. Ce sont elles qui élèvent les enfants, qui exercent la tâche de sages-femmes, qui soignent, ou encore qui concoctent des remèdes pour les membres des communautés locales, de manière rudimentaire au moyen de plantes ou de préparations simples, transmises oralement de génération en génération. Or, il suffit d’une maladie inexpliquée ou qui s’aggrave, d’un naissance qui tourne au tragique par la mort du nouveau-né (la mortalité enfantine est alors très élevée), d’un repas mal digéré, de bétail qui meurt, pour que l’on soupçonne telle ou telle femme d’être responsable du malheur qui survient dans une communauté, et de l’avoir commis volontairement avec l’aide du diable. L’accusation de sorcellerie permet d’attribuer une cause à une catastrophe naturelle ou à un malheur inattendu et inexplicable. Elle résulte souvent d’une tentative de guérison ratée...

Pourtant, la chasse aux "sorcières" n'a pas été à l'origine orientée spécifiquement contre les femmes. Ce n’est que progressivement qu’elle est devenue un outil de persécution contre les femmes, ou du moins contre un certains types d'entre elles, à l'extrême fin du Moyen Age et durant toute l'époque moderne. Ainsi, en Pays de Vaud, durant tout le XVe siècle, ce sont majoritairement des hommes qui sont poursuivis et condamnés pour sorcellerie.