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Quelques principes du populisme (suite)

"Faire confiance au peuple..." [Urs Flueeler]
"Faire confiance au peuple..." - [Urs Flueeler]
"Populiste" est souvent utilisé comme une injure, une invective entre protagonistes de la sphère politique qui chercheraient à éluder les critiques. Mais au-delà de cet usage galvaudé, subsiste le flou d’un terme dont le sens varie selon le contexte. Voici quelques grands principes pour tenter de définir le populisme ou plutôt les populismes d'aujourd'hui.

La désignation de boucs émissaires

L'articulation de la rhétorique est binaire, elle dresse le peuple contre ceux qui auraient conduit le pays dans la crise économique et mis en danger de son identité: les petits contre les gros, les innocents contre les coupables.

Ceux d'en face
Les premiers responsables viendraient d'ailleurs. La figure de l'étranger-envahisseur nourrissant l'imaginaire de l'exclusion est omniprésente. La défense de l'identité nationale implique dans le discours populiste la dénonciation de l'immigration-invasion.

Ceux d'en haut
Les populistes considèrent que des élites immorales et parasitaires viennent constamment s’opposer à un peuple moralement pur. Elles sont ainsi accusées de former une caste à la fois extérieure à la société et détachée de la nation. Elles sont parfois assimilées au "parti de l'étranger" ou au "parti des étrangers".

Ces élites en question sont la classe politique dirigeante, la justice, les patrons de grandes entreprises ou les médias. Des accusations, fondées ou non, de corruption leur sont souvent adressées. Leur incompétence présumée est aussi stigmatisée. Christoph Blocher, par exemple, fait même la distinction entre les "fausses" élites et les élites "authentiques" qui accomplissent leur mission "avec l'ardeur et l’aptitude requises peuvent être reconnues", les élites ne satisfaisant pas à cette exigence devant être "immédiatement écartées et remplacées". Les institutions européennes ou "la finance internationale" sont aussi des cibles privilégiées.

Le monopole de la représentation
Aux yeux de Ian-Werner Müller, la critique des élites serait un critère nécessaire quoique non suffisant pour définir la rhétorique populiste. Ceux-ci se caractériseraient par une vision anti-pluraliste de la démocratie à travers la revendication morale du monopole de la représentation populaire. Ils seraient les seuls représentants du peuple véritable, tous les autres partis étant, d’une manière ou d’une autre, illégitimes. Le populiste prône un "contrat" sur le principe d'un mandat impératif selon lequel il exprimerait l'authentique volonté du peuple.

Le contournement des médias traditionnels
L'une des spécificités du populisme, constate Pierre-André Taguieff, est le rejet des médiations, jugées "inutiles, limitatives ou nuisibles". Depuis toujours, les mouvements populistes ont adopté une communication directe avec l'électorat. En Suisse, les partis comme Vigilance, la Lega ou l'UDC s'appuyaient ou s'appuient encore sur un journal à forte audience.

La révolution numérique a bousculé les usages permettant la diffusion à moindres coûts des messages sur différentes plates-formes. En cela, la réactivité et la simplification des nouveaux vecteurs sont une aubaine pour la rhétorique simpliste des populistes. Comptes twitter, chaînes Youtube ou vidéos facebook permettent désormais de s'affranchir des journalistes.

Vers une typologie des populismes?
Pierre-André Taguieff distingue deux formes de populismes. D'un côté, une forme "protestataire" mettant l'accent sur la dénonciation des élites politiques, économiques et de leur présumée corruption. Il serait d'obédience de gauche et s'adresserait aux "sans grades" ayant subi une détérioration de leurs conditions de vie matérielles à cause de la "mondialisation financière". Le populisme "identitaire", s'appuierait davantage sur le sentiment de perte des valeurs immatérielles, culturelles qui seraient mises en péril par "l'étranger". Un discours qui ciblerait les classes moyennes. 

Dominique Reynié y voit, quant à lui, deux dimensions pas forcément exclusives dont la combinaison pourrait expliquer le succès actuel de Marine Le Pen.

RTS Découverte

SOURCES:

- Ian-Werner Müller, Qu'est-ce que le populisme? Définir enfin la menace, Paris, Premier Parallèle, 2016
- Dominique Reynié, Les nouveaux populismes, 2013 Fayard/Pluriel
- Pierre-André Taguieff, L’illusion populiste, 2002, Paris, Éditions Berg International

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