En ces temps de superficialité, d’égocentrisme et d’intelligence artificielle, le blues rural semble offrir, avec sa structure immuable et son côté solitaire, une oasis d’authenticité. C’est l'un des seuls genres musicaux qui peut être résumé en une seule image: un bluesman sous un porche, avec un harmonica ou une guitare.
Ce patrimoine nous est parvenu intact grâce à John et Alan Lomax, musicologues de père en fils. Entre les années 1930 et 1950, ils ont sillonné les villages et les prisons du Sud des Etats-Unis pour y capter et graver sur disque les chants d’individus isolés de toute influence extérieure. Ces enregistrements vont être religieusement écoutés par de jeunes générations de blancs dans les sixties: les Rolling Stones, Eric Clapton, Led Zeppelin, et toute la famille qui donnera par la suite le rock et le heavy métal.
"Le blues est entièrement noir et entièrement folklorique. C’est une réaction émotionnelle fondamentale à un environnement oppressif, un chant d’aliénation dans un pays où la population noire est passée d'un stade d'esclave dont la vie était mêlée à celle des blancs, et où la musique traitait de sujets collectifs, au stade d’homme libre isolé dans un monde de ségrégation ultra violente, qui raconte sa propre misère individuelle."
Tony Palmer, historien