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Les médias français testent un système de comptage des manifestants

Les fonctionnaires manifestant dans les rues de Paris mardi 10 octobre 2017. [Keystone - Christophe Petit Tesson]
Une quinzaine de médias testent un nouveau comptage des manifestants / Tout un monde / 7 min. / le 11 décembre 2017
Les chiffres du comptage des manifestants donnés par la police diffèrent souvent beaucoup de ceux des organisateurs. Une quinzaine de grands médias français testent les services d’un spécialiste des décomptes de manifestations.

En octobre 2014, par exemple, la "Manif' pour tous" descendait dans les rues de Paris: ils étaient 70’000 selon la police, 500'000 selon les organisateurs. En mai 2016, contre la Loi travail, ils étaient 20'000 selon la police, 100'000 selon les organisateurs.

A l’heure actuelle, les médias français se contentent de relayer ces chiffres sans les vérifier, laissant le public se débrouiller avec un écart immense. Face aux critiques, le directeur de la rédaction de France Inter, Jean-Marc Four, a lancé l’idée que les médias fassent leurs propres comptes. Quinze grands médias français vont donc ainsi tester les services d'une entreprise française habituée des décomptes pour les manifestations culturelles.

"Du simple au décuple"

"Nous sommes payés pour établir des faits. Le nombre de participants à un rassemblement en est un, et on se réfugie derrière deux chiffres très éloignés. C'est une forme de démission", a déclaré Jean-Marc Four lundi dans l'émission Tout un monde.

Il admet que les médias auraient dû s'emparer de ce problème de chiffres il y a longtemps car "la situation a empiré". "Il y a cinq ou six ans, le rapport entre les chiffres de la police et des organisateurs était du simple au double ou au triple. Récemment, on a eu des cas où c'était du simple au décuple", explique-t-il.

"Ligne virtuelle"

Techniquement, le système qui sera testé utilise des capteurs électroniques placés en hauteur, par exemple de chaque côté d'un boulevard. Ceux-ci créent une "ligne virtuelle" qui coupe le trottoir et la rue, et permet de compter les manifestants qui la traversent. Les chiffres peuvent ensuite être vérifiés avec des images vidéo.

La police fait pareil, mais manuellement: des fonctionnaires dédiés à cette tâche se mettent en hauteur et activent leur compteur tous les dix manifestants. Ils comparent le chiffres, gardent le plus haut et le majorent de 10% pour avoir une marge d'erreur. Ils les recoupent ensuite aussi avec des images vidéo.

Les syndicats, eux, ne se basent que sur des compteurs manuels et ajoutent parfois les places réservées dans les cars par les différentes fédérations.

Ariane Halser/jvia

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Commission d'enquête indépendante

Une commission d’enquête indépendante a rendu en 2015 un rapport selon lequel le chiffre exact est celui donné par la police.

"Les responsables des manifestants gonflent considérablement leurs chiffres pour se donner de l'importance. Les syndicalistes ne nient pas que le chiffres sont diffusés avant la manifestation. Ils nous ont clairement dit qu'il s'agit de chiffres politiques... Mais ils ridiculisent les manifestants et la pratique démocratique en France", estime la sociologue Dominique Schnapper, membre du Conseil constitutionnel, qui a fait partie de cette commission.

Des tests menés sur de petites manifestations ont également montré que les chiffres de la police étaient les plus proches de la réalité, explique Jean-Marc Four.

"Mais la difficulté en France, c'est qu'une partie de la population ne croit de toutes façons pas aux chiffres de la police et une autre partie ne croit de toutes façons pas à ceux des organisateurs", nuance-t-il, soulignant l'importance d'une information neutre.