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"J'appelle mes frères", une pièce sur la peur d'un immigré après un attentat

Une photo de la pièce "J'appelle mes frères". [poche---gve.ch - Samuel Rubio]
Théâtre: Jʹappelle mes frères / Vertigo / 3 min. / le 12 janvier 2017
Au Théâtre de Poche de Genève jusqu’au 29 janvier, la pièce suédoise "J’appelle mes frères" explore la journée d’Amor qui ne sait pas si il doit raser les murs ou exploser de colère.

Vous êtes arabe, jeune, barbu. Le genre hipster, PAS islamiste. Vous habitez un pays de blonds. Voici qu’une voiture piégée explose dans votre ville. Comment réagissez-vous? Dans la rue, dans le métro, au supermarché? Au Théâtre de Poche de Genève jusqu’au 29 janvier, la pièce suédoise "J’appelle mes frères" explore la journée d’Amor qui ne sait pas si il doit raser les murs ou exploser de colère.

"J’appelle mes frères" c’est le titre de cette pièce signée Jonas Hassen Khemiri. Un écrivain suédois de 38 ans dont le Théâtre de Poche joue pour la première fois en français ce texte écrit en 2010, soit avant les attentats de Paris, Bruxelles ou Nice. Il a beau avoir des origines tunisiennes, le romancier et dramaturge Jonas Hassen Khemiri est né à Stockholm et sa langue maternelle, comme sa langue d’écriture, c’est le suédois.

Son personnage principal, l’étudiant Amor, vient d’apprendre qu’il y a eu un attentat en ville alors qu’il a passé la nuit dans une soirée techno. Et il ne sait plus ni ce qu’il doit faire. Faut-il désormais raser les murs en sachant qu’on a une tête de suspect aux yeux de tout le monde? Faut-il manifester? Mais alors quoi? Sa désaveu, son désarroi, sa tristesse, sa colère? Amor est pendu au téléphone tout en marchant à travers la ville. Il appelle sa sœur, partie au bled avec son père, ses potes, ses frères. Par exemple Shavi, le gars rangé qui s’est marié, ne pense qu’à sa fille et qui dirige une entreprise d’échafaudages…

Un drame et de l’humour, malgré tout

La pièce explore le ressenti d’une communauté arabe qui se sent prise en otage entre les djihadistes islamistes et les racistes blancs. La pièce n’est pas loin de l’autofiction. Avec une dimension psychologique très fine. Avec de l’humour aussi, assez inattendu et bienvenu dans un tel contexte. Un attentat, ça fait tout voler en éclat, même ceux qui n’en sont pas responsables. Amor ne sait plus très bien qui il est: un Suédois basané, un Arabe suspect, un danger ambulant? Et les autres Arabes, ce sont des frères, vraiment? Est-ce qu’il n'a pas changé? Et les autres, les blonds, comme cette fille, son amie, dont il est amoureux depuis des années?

Du théâtre marathon

"J’appelle mes frères" est finement mis en scène par Michèle Pralong qui fait jouer ensemble sur le plateau tous les personnages de ces dialogues téléphoniques. Il  est aussi très bien joué par une troupe qui vit un petit exploit. Depuis novembre dernier, c’est en effet la quatrième pièce que Rebecca Balestra, Charlotte Dumartheray, Julien Jacquiéroz, Céline Nidegger et François Revaclier jouent ensemble au Théâtre de Poche de Genève dans un décor à peu près identique.

A deux reprise en janvier, les dimanche 22 et 29 janvier 2017, ils vont les jouer les quatre pièces à la suite. Soit "J’appelle mes frères" et trois comédies québécoises contemporaines électriques. Du très bon théâtre qui parle de la société d’aujourd’hui: des attentats, d’un bébé dont les pleurs ruinent la fête d’une famille recomposée, de deux sœurs qui ne sortent plus de chez elles et ou encore d’un couple de bobos dans une cité idéale.

ThS

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